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Petit Eyolf d’Henrik Ibsen, Mise en scène Julie Berès. Théâtre de la Ville.

Fév 07, 2015 | Commentaires fermés sur Petit Eyolf d’Henrik Ibsen, Mise en scène Julie Berès. Théâtre de la Ville.

ƒƒ Article de Camille Hazard

 

Petit-Eyolf-42-©-Tristan-Jeanne-Valès

« Je ne suis pas sûr d’être né, il faudrait que mes parents me le disent »

Ces mots hantent le mur de la chambre du petit Eyolf.
Infirme à la suite d’un accident, replié sur lui-même, enfermé du matin au soir à la maison, Eyolf n’est pas l’enfant espéré de ses parents.
Cette pièce d’Ibsen, écrite à la fin de sa vie, est une des rares à s’achever sur une note pleine d’espoir… Mais si le personnage de l’enfant est au centre de la trame et compose le titre de l’œuvre, c’est bien du couple dont il s’agit dans la pièce.
Plus précisément la transformation du couple.
Depuis l’accident de son fils Eyolf, Rita Allmers sent que son mari lui échappe.
Alors quand celui-ci rentre d’un long voyage avec la ferme intention de transformer sa vie en abandonnant son œuvre ultime, un livre sur la responsabilité humaine, et ce pour se consacrer à l’éducation et au bonheur d’Eyolf, Rita se sent trahie, abandonnée, perdue. Elle revendique son statut de femme en refusant celui de mère..
Quelques heures plus tard, la béquille d’Eyolf est retrouvée dans le port, l’enfant est mort, noyé.
La perte de cet être cher et la souffrance qui en découle, amènent le couple à envisager toutes les échappatoires comme le divertissement abrutissant, la séparation, le suicide …
Mais c’est en affrontant les tabous, les frustrations, les refoulements que les Allmers vont pouvoir commencer leur lente transformation, jusqu’à la renaissance.

« Dans les ruines de ce que nous avons peur de perdre, il y aura tout ce que je ne t’ai pas donné. »

Julie Berès met cette pièce en visions ; fantasmes, rêves, projections mentales constituent le décor de cette maison bourgeoise et moderne. Le salon perd au fur et à mesure son appellation propre pour devenir un espace de confrontation et de résurrection.
La mise en scène se bâtit sur le thème de l’eau ; l’eau qui s’infiltre dans les maisons, qui favorise la moisissure et la décomposition mais aussi l’eau qui lave, qui purifie.
La chambre d’Eyolf, immense cube transparent, fourmillant de jouets et de masques, fait écho à l’aquarium trônant dans le salon ; c’est d’ailleurs dans cette prison de verre que Julie Berès met en scène la noyade de l’enfant ; image poignante de trombes d’eau qui se déversent sur Eyolf emmuré. Par la suite un requin-ballon télécommandé fait irruption dans le salon, traverse la scène, envahit l’espace ; la maison toute entière devient espace clos, habitée par les membres suffocants de la famille, cherchant désespérément une issue pour reprendre souffle. Pour accompagner cette noyade physique et psychologique, Stéphane Gibert, créateur sonore fait résonner les gouttes, les écoulements d’eau qui s’infiltrent dans les murs.
Si visuellement la mise en scène est esthétique, éclatante de trouvailles, si la direction des comédiens est à saluer par le souffle de vie qui émane des corps, on peut toutefois regretter une surcharge d’éléments qui certes, rythment et ponctuent les actions mais, qui ont tendance à nous éloigner du texte. La volonté de souligner les non-dits de cette famille ne doit faire « ajout » aux non-dits du dramaturge.

 

 

Petit Eyolf
Texte Henrik Ibsen
Mise en scène Julie Berès
Traduction Alice Zeniter
Adaptation Julie Berès, Nicolas Richard et Alice Zeniter
Dramaturgie Olivia Barron
Scénographie Julien Peissel, Camille Riquier
Création lumières Kelig Le Bars, Léo Grosperrin
Création sonore Stéphanie Gibert, Guillaume Vesin
Chorégraphe Stéphanie Chêne
Costumes Aurore Thibout, Floringa Donga
Arrangement et direction vocale Ariana Vafadari
Régie générale et plateau Léllia Chimento, Bruno Gallix, Arnaud Monnet
Régie lumière Marie-Gabrielle Mathieu
Régie son Guillaume Vesin
 
Avec Anne-Lise Heimburger, Gérard Watkins, Julie Pilod, Valentine Alaqui, Béatrice Burley, Sharif Andoura

Du 4 au 15 février 2015
Tous les jours à 20h30, dimanches 8 et 15 février à 15h00.

Théâtre de la Ville (Abbesses)
31, rue des Abbesses – 75018 Paris
M° Abbesses, Blanche
Réservation 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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