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« Pauvreté, richesse, homme et bête », de Hans Henny Jahnn, mise en scène de Pascal Kirsh, Studio-théâtre de Vitry

Juin 27, 2015 | Commentaires fermés sur « Pauvreté, richesse, homme et bête », de Hans Henny Jahnn, mise en scène de Pascal Kirsh, Studio-théâtre de Vitry

f article de Denis Sanglard

 

© 2015 Studio Théâtre de Vitry

© 2015 Studio Théâtre de Vitry

 

« Pauvreté, richesse, homme et bête » de Hans Henny Jahnn est un drame mais aussi un conte, un long poème tragique. C’est une histoire d’amour et de jalousie, de possession et d’envie. L’histoire de Manao le riche paysan, de Sofia la vachère, d’Anna la meurtrière, de Gunwald le possédé, de Ole l’envieux. Et comme dans tout conte cruel, des êtres magiques : une jument, un troll. Il y a même des morts, suicidés par amour, qui reviennent. Les superstitions se mêlent à la réalité la plus crue, la plus noire. C’est un monde brutal. Jahnn n’édulcore rien de cette violence où le pire côtoie l’innocence. Mais d’innocence il ne saurait en être question. Les faibles, manquant de courage, fabriquent leur propre malheur et sont immanquablement les perdants. Quelques instants de bonheur se paient au prix fort, se monnayent âprement. Chaque personnage trébuche sur des désirs inassouvis. La volonté de posséder, de jouir, des hommes ou des biens, fait tomber toute moralité. C’est un monde régi par des règles ancestrales et des superstitions qui vous broient. Les êtres y sont rudes et se heurtent avec violence. La rédemption est amère.

Pascal Kirsh signe une mise en scène sobre, austère même. Tout y est sombre. Ne brille que la neige des maquettes, monde en miniature de Manao, exposées sur les tables. Une sensation d’étouffement qui s’avère juste mais assourdit quelque peu la mise en scène. Une mise en scène sans fioriture, directe, fluide et cohérente à laquelle manque peut-être incarnée l’âpreté du propos, la cruauté intrinsèque de ce sombre poème. Néanmoins la langue de Jahnn, superbe comme toujours, vibre toute entière avec bonheur et c’est peut-être elle qui, paradoxalement, fait obstacle à la violence explosive attendue. Là, pour ce qui est des situations, tout est rentré, comme contenu. Pascal Kirsh avec raison et on peut le comprendre, laisse cette langue envahir le plateau mais sans la brider ou la contrer. La tragédie devient un acte purement verbal et manque terriblement de chair, de corps pour s’incarner véritablement. Les comédiens restent ainsi au bord de leurs personnages, sans jamais vraiment oser dépasser la langue de Jahnn. Ils sont justes certes mais peut-être manquent-ils de débordement, d’abandon. La violence des situations, leur noirceur, la crudité même parfois, s’en ressent. Restant dans l’énoncé cela manque de relief… les corps sonnent creux. Pascal Kirsh ajoute à cela un contre-point musical, joué en live. Cela n’était sans doute pas nécessaire. Les improvisations musicales en deviennent souvent intempestives et troublent l’écoute des scènes, empêchent d’entendre la langue singulière de l’auteur et, pire, couvrent les acteurs. Franchement une gêne. Reste la découverte pour ceux qui ne le connaissent pas de Hans Henny Jahnn, auteur dramatique allemand (1894/1959). Et de cette pièce pour la première fois jouée en France. Une très belle découverte.

 

Pauvreté, richesse, homme et bête 
De Hans Henny Jahnn
Mise en scène, Pascal Kirsh
Scénographie et costumes, Marguerite Bordat ssistée d’Anaïs Heureaux
Lumière, Pascal Villmen assisté de Léandre Gans
Vidéo, réalisation, montage, Sophie Laloy
Cadrage, étalonnage, Mathieu Kaufman
Musique, Makoto Sato et Richard Comte

Avec Julien Bouquet, Arnaud Chéron, Raphaëlle Gitlis, Vincent Guédon, Loïc Le Roux, Marina Keltchewsky, Elios Noël, Florence Valéro, François Tizon

19 au 22 juin 2015 20h, dimanche 16h

Studio-Théâtre de Vitry
18 avenue de l’insurrection – 94400 Vitry-sur-Seine
RER Vitry Sur Seine
Réservations : 01 46 81 75 50
www.studiotheatre.fr

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