À l'affiche, Critiques // Parallèles, chorégraphie de Raphaël Cottin, Atelier de Paris/ Carolyn Carlson – Festival June Events

Parallèles, chorégraphie de Raphaël Cottin, Atelier de Paris/ Carolyn Carlson – Festival June Events

Juin 17, 2018 | Commentaires fermés sur Parallèles, chorégraphie de Raphaël Cottin, Atelier de Paris/ Carolyn Carlson – Festival June Events

ƒƒ article de Denis Sanglard

© Frédéric Iovino

Jean Guizerix, Raphaël Cottin. Deux danseurs, deux générations. Le maître et l’élève. Deux amis. Et entre ces deux là qui dansent, un fantôme, une âme. Wilfride Piollet, danseuse étoile, épouse du premier, professeur du second, disparue en 2015. A jamais « l’étoile d’amour » de Jean Guizerix. Et ce qui se déroule sur le plateau, c’est un magnifique et sensible pas de deux sous l’ombre protectrice de Wilfride Piollet. Un hommage implicite. Une partition chorégraphique et poétique partagée avec beaucoup de complicité. Une affaire également de transmission. Et si comme l’affirme avec raison Merce Cunningham la danse est affaire de temps et d’espace, ce que rappelle Jean Guizerix qui fut un des premiers à l’interpréter en France, il faut y ajouter au regard de cette rencontre la mémoire du corps. Car ce qui est fascinant c’est de voir combien la puissance physique perdue de Jean Guizerix, né en 1945, est compensée par une présence formidable qui en elle même contient, est, un pan de l’histoire de la danse contemporaine. Qu’importe si le geste est désormais fragile, les sauts devenus lourds, certaines figures impossibles à mener à leurs termes. Jean Guizerix n’en a cure et s’en amuse. Ce qui importe c’est cette densité dans le geste où l’amorce même du geste contient en lui toute la danse. Le voir reprendre un rôle emblématique, Oiseau triste, sur une musique de Maurice Ravel, alors qu’auprès de lui Raphaël Cottin interpréte le même solo qui lui fut transmis, a quelque chose d’infiniment bouleversant et de puissant. La perfection technique de ce dernier devant la fragilité relative de Jean Guizerix loin d’accuser un déséquilibre est au contraire une grande leçon d’humilité mais aussi l’affirmation franche et crâne que la danse est bien une affaire de corps engagé et non d’âge. Encore une fois c’est l’affirmation d’une présence, qui est danse, nourrie de l’histoire et de l’expérience du danseur qui importe. Ici le rythme singulier donné, interne, est avant tout celui lié intimement à l’histoire du danseur. Jean Guizerix est libéré de toute contrainte, porté par son histoire, et c’est ce que l’on voit, un danseur foncièrement libre, affranchi. Avec Raphaël Cottin s’engage donc un dialogue fait de regards, d’attentes, de gestes à l’unisson, de décalages . De danse partagée dans ce qu’elle peut avoir d’intime et d’universelle tout à la fois. La jeunesse de Raphaël Cottin, né en 1979, son énergie, ne s’oppose pas à la vieillesse, à l’histoire de Jean Guizerix. Il y a entre ces deux là un véritable échange. Il semble bien que Jean Guizerix attend et reçoit autant de Raphaël Cottin. Le titre même de ce duo, Parallèles, s’il renvoie au titre éponyme de l’ouvrage de Wilfride Piollet et Jean Guizerix, est aussi la signature d’une volonté non de confrontation mais de dialogues intenses et fructueux. Et comme toutes parallèles, dans le même sens. Une interrogation sur la danse et le mouvement. Et sur le plateau c’est tout un résumé, dans le désordre, de la vie dansée de Jean Guizerix et de Wilfride Piollet. Reprise de répertoire, Merce Cunningham en premier lieu, exercices ( les barres flexibles, initiée par Wilfride Piollet qui révolutionna l’entraînement du danseur), danses traditionnelles bretonnes ( sur un air chanté par les soeurs Goadec), musiques traditionnelles, poèmes, témoignages, digressions… Raphaël Cottin sous l’oeil bienveillant et malicieux de Jean Guizerix, acte ainsi son héritage sans jamais oublier sa propre singularité. C’est bien le sens du titre de ce duo. Deux parcours en parallèles et qui paradoxalement sur ce plateau finissent enfin par se rejoindre.

 

Parallèles​ chorégraphie, texte et scénographie Raphaël Cottin Interprétation Raphaël Cottin et Jean Guizerix
Lumières Catherine Noden
Costumes Catherine Garnier
Musique Satie, Cheriza, Ravel, musique traditionnelle
14 juin 2018 à 19h30
Festival June Event

Atelier de Paris / Carolyn Carlson
La Cartoucherie
route du champ de manoeuvre
75012 Paris
réservations 01 417 417 07
reservation@atelierdeparis.org
junevents.fr

 

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