Critique de Solveig Deschamps –

Au pays de Sophie Perez et Xavier Boussiron y’a pas beaucoup de place pour les spectateurs.

D’accord c’est un drôle de pays avec une reproduction du cloître des célestins (Avignon), deux platanes qui ressemblent à ceux de la place des lices (Saint Tropez) mais dans ce pays là y’a pas de boulistes mais des lutins qui déboulent et qui comme tous les lutins ont un goût vestimentaire qui laisse à désirer, ce qui est normal puisqu’ils ne sont absolument pas désirables, même avec leurs pantalons moulants, leurs jupes courtes, leurs faux ventres, leurs couleurs criardes. Chapeau bas à Sophie Perez et Corinne Petitpierre pour les costumes et surtout pour les masques admirablement et grotesquement conçus.

© Laurent Friquet

Comme on est chez des lutins, y’a forcément du bazar, du gros bazar, un dépotoir en fait : des peluches, un berceau , un tableau d’un femme nue, des livres, des animaux empaillés, une presse à vin… de quoi remplir la « bouzette », de quoi scier, détruire, se construire son petit nid douillet, sans oublier le gourdin mou qui virevolte à tour de bras.

Et que font les lutins avec le bazar : du bazar !

Jusque là tout va bien, on tient le choc, on peut même se dire qu’on va passer un bon moment avec ces lutins grognons, affairés, un peu obsédés et de toute mauvaise foi… Et puis c’est vrai que même si c’est un peu facile on a le rire qui se pointe quand un des lutins décide de lire un passage du « Partage de midi » de Claudel, ce qui endort illico ses congénères séance d’hypnose collective…  « Je vais compter jusqu’à trois, vous allez vous réveiller doucement et vous allez avoir le sentiment d’être au théâtre ». Et le bazar reprend, et cette fois c’est Olivier Py qui en prend pour son grade, puis c’est à nouveau le bazar et puis… Pasolini, Eschyle… On a compris qu’au Zerep (la compagnie créée par Sophie Perez en 1997 rejointe en 1998 par Xavier Boussiron) ça pense, ça détourne et sans aucun doute ça rigole et ça travaille dur.

© Laurent Friquet

Mais y’a un hic

Et le hic c’est que l’ennui nous gagne, que tout ce qui se passe ne nous concerne plus vraiment pourtant on aimerait pouvoir y prendre part à ce grand délire qui semble habiter les comédiens qui sont excellents mais on reste un peu plantés sur notre siège à attendre que ça se passe… n’y comprenant pas grand chose. C’est qui Oncle Gourdin ? L’Arlésienne ? Godot ? Une drôle de sensation de se dire qu’on préférerait être avec eux sur le plateau, être horribles avec eux. N’en restons pas là, allons voir les prochaines créations de Sophie Perez et Xavier Boussiron qui n’en sont pas à leur première collaboration (« Mais où est donc passée Esther Williams ? », « Le coup du cric andalou », « Laisse les gondoles à Venise »…), y’a du bon dans cet univers là.

Oncle Gourdin
Conception et mise en scène : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Avec : Marie-Pierre Brébant, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Marlène Saldana
Scénographie : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Costumes : Sophie Perez et Corine Petitpierre
Musique : Xavier Boussiron
Création son : Félix Perdreau
Création lumière : Fabrice Combier
Image & régie générale : Laurent Friquet
Régie plateau : Anne Wagner-dit-Reinhardt

Du 8 septembre au 8 octobre 2011
Du mardi au samedi à 19h30, les dimanches à 18h30

Théâtre du Rond Point
2 bis avenue Franklin D.Roosevelt, Paris 8e – Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

www.cieduzerep.blogspot.com

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