À l'affiche, Critiques // « On traversera le pont une fois rendus à la rivière », une création d’Antoine Defoort, Julien Fournet, Mathilde Maillard et Sébastien Vial, au 104

« On traversera le pont une fois rendus à la rivière », une création d’Antoine Defoort, Julien Fournet, Mathilde Maillard et Sébastien Vial, au 104

Mai 04, 2017 | Commentaires fermés sur « On traversera le pont une fois rendus à la rivière », une création d’Antoine Defoort, Julien Fournet, Mathilde Maillard et Sébastien Vial, au 104

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© DR

L’Amicale de Production continue son exploration de la représentation, ses essais technico-ludo-poétiques, ses expériences loufoques. Cette fois et après la science-fiction – pour mémoire « & (spectacle de câble et d’épée) » – c’est à la fiction que s’intéresse cette coopérative de projets vivants,  zinzins et diablement intelligents. Comment se fabrique un récit et comment ce-dit récit établit une relation « empathique » avec le public.  Mais pour corser le tout, car ce serait bien trop simple, projeter au-delà du plateau la représentation en cours, en devenir, vers une communauté virtuelle (pour s’y inscrire, voir en fin de chronique*.) qui si elle ne voit rien, entend tout et se fabrique elle aussi sa propre fiction, à l’oreille pourrait-on dire. Reprenons, pas à pas (au sens propre) et de façon bien sonore pour les écoutants, un récit, une fiction devant nous se crée. Un récit dont nous sommes les spectateurs attentifs et bientôt les acteurs. Mis à contribution comme le sont ceux qui inscrits pour cette expérience singulière entendent à la radio, sur le web, cette pièce et dont le clavier de leur ordinateur permet d’influer le cours des évènements. Aurait pu-t-on ainsi se réchauffer auprès d’un feu de bûches, préparer une tasse de thé,  si une cinquantaine d’auditeurs n’avait tapoté sur son clavier pour allumer un brasier bienvenu pour nos trois acteurs, « techniciens cosmiques » transis de froid dans ce champ de blé mouillé aussi fictif que virtuel ? Et nous, avec nos smartphones exceptionnellement autorisés, assez rare pour le souligner, à téléphoner pour qu’une petite maquette de camion se déplace sur le plateau..? Tout cela peut paraître obscur à expliquer – le chroniqueur ne les remercie pas – mais ce qui se fabrique là c’est une communauté de spectateurs et, de fait, d’auditeurs mis en empathie, devenus complices d’une représentation qu’ils fabriquent autant que nos trois acteurs-bricolos, entraînés voire guidés par eux dans cette fiction ludique et poétique. Certes les auditeurs, derrière leurs écrans, sont aveugles mais l’intérêt réside dans la reconstruction mentale de cette histoire, le glissement d’une fiction disons commune à une fiction personnelle et de l’influence de cet aveuglement sur le déroulé de l’histoire. D’eux, qui n’ont pas tous les tenants et les aboutissements de ce récit inventé, dépendent aussi la tenue de la représentation. S’il y a au final une représentation c’est la somme de trois récits, fictionnels et réels tout à la fois, celui du plateau et des acteurs, celui du spectateur dans la salle et celui de l’auditeur en réseau anonyme et solitaire. Résumons, ou tentons de, L’Amicale de Production, réinvente ou met à nu, la fabrique de la fable théâtrale en exacerbant la place du spectateur, anticipant même, où l’on rejoint la presque-science-fiction, le spectateur de demain, l’auditeur en réseau capable d’influencer le cours du récit. Exercice de manipulation joyeusement consenti et finement mené. Mais qui manipule qui, c’est toute la question… C’est aussi la place du spectateur comme de l’auditeur qui est redéfinit par ce « fabriqué ensemble » qui les relient entre eux et à la représentation, nouvelle catharsis nommée ici empathie. Tout ça est mené de main de maître, toujours aussi drôle et ludique. Mais derrière tout ça, la technologie et le bricolage savant, l’humour et tout le toutim il y a une vraie réflexion moins loufoque et bien plus fine qu’il n’y paraît, au-delà de la fabrique de la fiction,  sur la représentation collective et , mise en abyme, sur la représentation du collectif aujourd’hui de plus en plus « dématérialisée ». Et quelle part, et comment, dans cette nouvelle communauté virtuelle, le théâtre peut-il prendre… ?

*Inscription http://on-traversera-le-pont-une-fois-rendus-a-la-riviere.com/

On traversera le pont une fois rendu à la rivière d’Antoine Defoort, Julien Fournet, Mathilde Maillard, et Sébastien Vial
Conception Antoine Defoort, Mathilde Maillard et Sébastien Vial
Collaboration artistique  Julien Fournet
Avec Arnaud Boulogne, Mathilde Maillard, Sébastien Vial
Création sonore et musicale / Régie son : Lieven Dousselaere
Création et régie Lumière  Alice Dussart
Régie Générale  Emilie Godreuil
Assistant artistique et technique  Samuel Hackwill
Développement web  Etienne Boutin, Samuel Hackwill, Guillaume Libersat
Conception costumes  Fabien Foort

Du 27 avril au 13 mai 2017 à 20h30
Relâche le 30/04, 01,06,07 et 08 mai

Le 104
5 rue Curial
75019 Paris
M° Riquet
Réservations 01 53 35 50 00
www.104.fr

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