Critiques // « On ne badine pas avec l’amour » d’Alfred de Musset au Théâtre du Vieux Colombier

« On ne badine pas avec l’amour » d’Alfred de Musset au Théâtre du Vieux Colombier

Mai 13, 2011 | 2 commentaires sur « On ne badine pas avec l’amour » d’Alfred de Musset au Théâtre du Vieux Colombier

Critique de Solveig Deschamps

Yves Beaunesne, récemment nommé directeur du Centre Dramatique Régional de Poitou- Charentes, aime les beaux textes, les textes forts, il a porté en scène Wedekind, Tchékhov, Ibsen, Claudel… et ici pour la seconde fois, Musset.

Musset a 24 ans quand il écrit « On ne badine pas avec l’amour », il vient de rompre avec George Sand qui l’a quitté pour un autre, quand Perdican à la fin de la scène V de l’acte 2 dit  à Camille: « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé… » il ne fait que redire ce qu’a écrit George Sand à Musset dans une de ces lettres.

Une tragédie romantique

Camille et Perdican sont cousins et ne se sont pas vus depuis dix ans. Ils se retrouvent dans le château où ils ont vécu et se sont aimés enfants, le baron (père du jeune homme) espère bien les marier. Camille sort du couvent la tête emplie de l’amour de Dieu et des amours malheureuses de Sœur Louise, l’amie du couvent. « Tu as dix huit ans et tu ne crois pas à l’amour ? » Perdican veut gagner le cœur de sa cousine en la rendant jalouse, en séduisant Rosette la sœur de lait de Camille. Cette supercherie tuera Rosette et rendra impossible le mariage des deux jeunes gens.

© Brigitte Enguerand

Scénographie éclairante

Yves Beaunesne nous emmène dans le château du baron vieillissant, château qu’on semble avoir délaissé depuis le départ des enfants. Sur le mur du fond est suspendu un immense miroir au tain piqueté, miroir qui semble nous donner la possibilité d’entrevoir ce qui se passe derrière la tête des personnages, pensées un peu brouillées par les souvenirs. Devant ce miroir un rideau opaque ou translucide selon les lumières qui traverse le plateau et derrière lequel les acteurs vont pouvoir apparaître et disparaître, s’immobiliser pour essayer de percevoir le tumulte amoureux qui se déroule dans la pièce centrale. Dans cette pièce se trouve une table avec sa nappe rouge qui attend le retour des enfants, elle va devenir la table de billard, la table des souvenirs en s’enfonçant dans le sol se transformant en rectangle de verdure puis en fontaine et de nouveau en table, cette fois recouverte d’un drap blanc. Magnifique scénographie de Damien Caille-Perret qu’éclaire et souligne avec élégance Joël Hourbeigt.

Parents terribles et terribles enfants

Ils sont incroyables ces trois petits vieux (Roland Bertin, le père de Perdican, Pierre Vial, le curé et Christian Blanc, le gouverneur de Perdican). Ils en ont encore sous les semelles ! On se régale, on déguste leurs mots, on veut bien se bagarrer pour dîner avec eux et se trouver à la bonne place pour prendre le meilleur. Ils sont le chœur du drame qui se trame. Ils sont d’un autre temps, celui où l’on préfère se remplir la panse plutôt que le cœur. Trois petits vieux primesautiers qui ne se privent pas de taquiner Dame Pluche, la gouvernante de Camille (Danièle Lebrun) très juste elle aussi .

Ils sont émouvants aussi ces enfants qui portent le drame avec leur soif d’amour et d’absolu, leur intransigeance, pétillante et émouvante Rosette (Suliane Brahim), trop sage Camille (Julie–Marie Parmentier), trop fougueux Perdican (Loïc Corbery).

Contemporanéité et universalité

Une mise en scène efficace et intelligente,Yves Beaunesnes a pris le parti de ne pas systématiquement faire sortir les personnages et c’est une jolie trouvaille . On assiste à la scène de séduction entre Rosette et Perdican adossés au fauteuil dans lequel s’est assoupi Roland Bertin et c’est du beau théâtre. Petite déception cependant… Pourquoi avoir situé l’action dans les années 60 ? Les très belles scènes entre Camille et Perdican deviennent un peu caricaturales comme s’il fallait que les comédiens justifient cette décision. Vouloir rendre plus contemporain un texte n’est ce pas un peu l’empêcher d’être universel ?

N’hésitez pas à y emmener vos adolescents, ils y découvriront une écriture et un spectacle à la hauteur de leurs battements de cœur.

On ne badine pas avec l’amour
De : Alfred de Musset
Mise en scène : Yves Beaunesne
Avec : Roland Bertin, Pierre Vial, Christian Blanc, Loïc Corbery, Suliane Brahim, Julie-Marie Parmentier, Danièle Lebrun
Dramaturgie : Marion Bernède
Scénographie : Damien Caille-Perret
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Lumières : Joël Hourbeigt
Création sonore : Jean-Damien Ratel
Maquillages : Catherine Saint-Sever
Assistante à la mise en scène : Marie-Édith Le Cacheux
Assistante aux costumes : Nadia Chérouk

Du 11 mai au 26 juin 2011

Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, Paris 6e – Réservations 01 44 39 87 00/01
www.comedie-francaise.fr

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