Critiques // Critique • « Ombres portées » d’Arlette Namiand au théâtre de la Tempête

Critique • « Ombres portées » d’Arlette Namiand au théâtre de la Tempête

Sep 15, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Ombres portées » d’Arlette Namiand au théâtre de la Tempête

Critique de Dashiell Donello

La scène est nue. Une lampe gît au sol comme une ombre moribonde en attente d’éclaircissement. Une voix nous parle : « Ne te retourne pas !  Tu n’as aucun cadavre sur ton épaule ». La mort ou l’ange de la mort sort d’un trou noir. Cette entité observe tour à tour : deux jeunes mariés en habit de noce en recherche d’un lieu sacré, un soldat tenant à bras-le-corps son ennemi, un homme dans la nuit portant, sur un pont, le corps évanoui de son amante, ou bien encore une fille épaulant son père dans le maquis où il a combattu autrefois. La mort, ou l’ange de la mort, prend les guenilles abandonnées de ces personnages qui ont circulé devant elle, et s’habille de leur vie du moment. Cinq petits récits émancipés et treize séquences, apparentées à des nouvelles, situent les personnages dans l’interdit des us et coutumes. Y a-t-il refus d’histoire, dans cette obscure errance théâtrale ? On perd connaissance, on meurt et ressuscite pour mourir de nouveau. Ces cycles de vie et de mort sont des instants barbares dans un temps rejeté. La danse, comme le Phénix, renaît de ses cendres sur un bûcher de théâtre.

© Anne Delaunay

Un flou artistique

La mise en scène (Jean-Paul Wenzel) a fait un choix bi-frontal qui chemine vers une célébration qui n’est pas pour nous. Qui va de l’inconnu à l’inexploré et se regarde jouer. Nous voilà donc insensibles à cette froideur qui s’expose devant nous. Nous ne savons que penser à la vue de ce mépris public. Que dire quand le théâtre nous ignore ? Le meilleur serait que, nous aussi, nous produisions de l’expérimentation. Cela serait jouissif. D’ailleurs au bout d’un certain temps, on aimerait nous aussi chanter, danser, aller sur scène et porter les comédiens. Se vautrer sur le plateau et sans rime ni raison, déclamer que la vie se couronne sur une scène de théâtre. Mais nous sommes spectateurs, nous sommes dans la vie et voulons simplement une histoire. Car si histoire il y a, on voit celle d’une compagnie qui expérimente, par un happening, un phantasme de mise en scène. On pourrait dire, avec Cyrano : c’est un peu court ! Un déni d’histoire fragmenté dans des scènes sibyllines ne fait que de l’ennui. Qui sont ces personnages ? Où courent-ils ? Le poids de leur charge est-il si lourd qu’ils oublient de se raconter ? Ils passent certes, mais pour aller où ? Pour qui est cette écriture ? On peine à rester concentré sur le récit. Bien sûr, on comprend que la guerre est suggérée. Qu’un bourreau porte sa victime avec une attirance homosexuelle, qu’un amant porte son amante, qu’une fille porte son père, qui porte l’obsession d’un maquis belliqueux. Mais cela ne suffit pas à notre entendement et ne s’exprime pas complètement. Alors on s’accroche au jeu brillant de Yedwart Ingey, à la présence de Jenny Mutela et à la bonne musique du groupe Olen’k. Ce qui est paradoxal, c’est que les moments de danse (Thierry Thieû Niang a collaboré à la chorégraphie), incarnent la réalité théâtrale et que les fragments de théâtre les désincarnent comme un rejet, comme un déni. Ce qui a pour finalité notre départ sur ce chemin du théâtre avec l’impatience de la réalité. Cette tour d’ivoire intellectuelle, ce flou artistique, est bien regrettable. Nous aurions tant aimé nous enthousiasmer pour ces « Ombres portées ».

Ombres portées
De : Arlette Namiand (Ed. Les Solitaires intempestifs)
Mise en scène : Jean-Paul Wenzel
Collaboration chorégraphique : Thierry Thieû Niang
Avec : Frédéric Baron, Arthur Igual, Yedwart Ingey, Jenny Mutela, Anne Rebeschini, Lou Wenzel
Scénographie : Jean-Paul Wenzel
Costumes : Cissou Winling
Son : Philippe Tivillier
Lumières, vidéo : Thomas Cottereau
Musique live – composition, interprétation : Groupe Olen’k (Manuel Costa, Elise Montastier-Costa)

Du 9 septembre au 2 octobre 2011
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie de Vincennes

Route du Champ-de-Manœuvre, Paris 12e
Réservations 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr

www.dorenavant-cie.com

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