Critique de Bruno Deslot –

Une équation familiale complexe, ou le syndrome de l’humanité !

Bart, 26 ans, insouciant, sans emploi fixe, en ménage avec Léo, apprend l’existence de ses deux demi-sœurs et de son demi-frère !

Habitué à un quotidien léger et sans contraintes, Bart reçoit un coup de fil de la juge des tutelles lui apprenant l’existence de Siméon (14 ans, surdoué et en Terminale), Morgane (8 ans, très discrète et forte à l’école) et Venise (5 ans, belle et adorable), ses trois demi-frère et sœurs. Des enfants tombés du ciel alors que Bart n’en attendait rien et surtout pas des enfants ! Le voici confronté à une réalité improbable, lui, le jeune homme de 26 ans qui avait appris à se passer de parents, qui ne s’attachait à rien est comme rappelé à l’ordre par les institutions. Il est sommé de devenir leur tuteur, malgré les remarques désobligeantes de sa demi-sœur Josiane, ophtalmologue bien installée socialement et en quête d’enfants.

© Philippe Stisi

« Oh boy » ! C’est pas simple tout cela, surtout lorsque Venise et Morgane aperçoivent, l’air de rien, le zizi de Bart ! Les ennuis commencent !

Les enfants ont investi l’appartement de Bart qui doit en parler à Léo mais comment ? Et ça, ce n’est qu’un détail comparé au reste !

Un histoire atypique, un conte moderne pour raconter la vie d’une famille recomposée bien malgré elle où le don de soi, l’acceptation et le renoncement font partie d’un cheminement fort et sensible auxquels sont confrontés les personnages du roman grand public de Marie-Aude Murail Oh boy ! dont Catherine Verlaguet propose une adaptation théâtrale fine, sensible et d’une surprenante modernité. L’écriture est vive, serrée, dense et emporte avec elle toutes les émotions qu’expriment vivement les personnages qu’interprète seul Lionel Erdogan.

© Philippe Stisi

Accoudés à son armoire ou la portant comme sa croix lorsqu’il apprend qu’il devient tuteur de trois enfants, Lionel Erdogan (Bart) interprète tous les personnages à l’aide d’objets qui leur donnent vie, de manière poétiquement elliptique. Une Barbie échevelée jaillit du côté droit de la scène et la juge des tutelles apparaît pour rappeler le jeune Bart à son bon souvenir. Trois livres de petit format, que Bart déposent en haut de l’armoire pour présenter ses trois nouveaux demi-frère et sœurs, un canard à bascule pour entendre les pleurs de Venise qui s’ennuie, seule à l’orphelinat pendant que Bart s’occupe de Siméon atteint de Leucémie, d’un cancer, enfin « cette maladie de vieux » comme il dit en s’étonnant ! Et puis, une ardoise sur laquelle reposent des figurines représentant les camarades de classe de Siméon qui accepteront de lui passer les cours pendant qu’il est à l’hôpital. Et Bart dans tout cela ? Et bien, Léo l’a quitté et il enchaîne des journées bien remplies pour s’occuper de cette famille dont il ne souhaitait pas hériter. Au lieu de fuir toutes formes d’engagement, comme par le passé, Bart combat la maladie dont souffre Siméon et la guérison de l’un permet la reconstruction de l’autre.

La mise en scène est millimétrée pour un jeu athlétique dans lequel Lionel Erdogan s’engage sans concessions. Chaque pas, gestes ou intentions font raisonner les mots et donnent vie aux personnages qu’interprète le comédien. C’est du grand théâtre pour petits enfants à qui le texte parvient facilement car l’écriture est simple, efficace et très précise comme la mise en scène. Catherine Verlaguet, Olivier Letellier et Lionel Erdogan, un trio gagnant pour un spectacle remarquable de sensibilité et d’intelligence.

Oh boy !
De : Marie-Aude Murail (Éd. L’Ecole des Loisirs)
Adaptation du texte : Catherine Verlaguet
Mise en scène : Olivier Letellier
Avec : Lionel Erdogan
Création lumières : Lionel Mahé
Création sonore : Mikaël Plunian

Du 3 au 14 novembre 2010

Théâtre Dunois
7 rue Louise Weiss, 75 013 Paris
www.theatredunois.org

Be Sociable, Share!

•