Critique d’Evariste Lago –

Seuls en scène

Ô Carmen est un « opéra clownesque ». La définition est confuse mais s’éclaircit au fur et à mesure de l’avancée de la pièce. Spectacle musical et comique mêlant le chant, la danse, les bruitages et les imitations, parfois caricaturales mais toujours drôles, des personnes peuplant le monde lyrique. L’opéra Carmen de Bizet sert de toile de fond aux frasques d’un comédien qui interprète tous les personnages de cet opéra comique sans s’encombrer de déguisements ou de lourds décors. Deux génies sur scène. Un comédien, Olivier Martin-Salvan et un virtuose du piano, Aurélien Richard.

© Brigitte Enguerand

Louis Bossis, interprété par Olivier Martin-Salvan, souhaitait depuis toujours chanter à l’opéra et prit donc des cours avec différents professeur(e)s plus ou moins professionnels. Devenu un chanteur d’opéra rondouillard, il passe une audition et se trouve engagé comme doublure de Don José, dans Carmen. Il nous raconte ses rencontres, lors de cette audition, pendant le travail de répétition et jusqu’à la première. Une multitude de personnages apparaît : le metteur en scène, les autres comédiens et comédiennes, la standardiste de l’opéra, le chef d’orchestre et les musiciens. Sans artifices, Louis Bossis réinterprète et se transforme en plantureuse et chevelue Carmen, en comédienne hystérique de Michaëla ou en chef d’orchestre autoritaire. Olivier Martin-Salvan interprète tous les rôles et toutes les voix sur les airs bien connus de Carmen.

« Merci, on vous rappellera. »

© Brigitte Enguerand

C’est par ces mots que débute Ô Carmen d’Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon et Nicolas Vial. Un artiste, des personnages tenus par un stupéfiant comédien, chanteur et clown Olivier Martin-Salvan qui chante, court, danse et virevolte sur un plateau dénudé et contemporain comme la mise en scène de Nicolas Vial. Il sait faire vivre l’espace et ses personnages à l’image du cinéma muet. De C. Chaplin et B. Keaton, il emprunte également la musique qui accompagne les gestes du clown. Les pantomimes sont calées au millimètre et ne laissent rien au hasard. Rien de superflu : un banc et un piano. Aucun décor mais nous passons sans mal du hall de l’opéra, aux loges ainsi qu’aux appartements des comédiens grâce à un jeu précis et minutieux. En un seul geste, en une seule phrase les personnages vivent avec passion. Ainsi, Louis Bossis, ventripotent, se transforme en un instant en une gracieuse danseuse à la chevelure chevaline ou en un chauffard. Le corps, les différents tons de voix et les onomatopées sont l’instrument des changements. Le jeu d’acteur est ici une véritable prouesse. Aurélien Richard, au piano, ne se laisse pas cependant dominer par son compagnon de jeu. Il est présent sur scène tout au long de la pièce et sait dévoiler ses talents de musicien lors des passages chantés. Il sait servir et accompagner le comédien tout en se démarquant. Deux talents unis pour servir une pièce magnifique. Par nos applaudissements prolongés nous leur signifions : « Merci, on vous rappellera ».

Ô Carmen
De : Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon et Nicolas Vial
Mise en scène : Nicolas Vial
Interprétation : Olivier Martin-Salvan, Aurélien Richard (piano)
Costumes : Florence Laforge
Éclairages : Pierre Peyronnet
Régie plateau : Antoine Plischke
Régie lumière : Stéphane Serre
Poursuite : Bastien Courthieux
Régie son : Samuel Gutman
Habilleuse : Gwénaëlle Noal

Du 18 février 2010 au 03 avril 2010

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue F. D. Roosevelt, 75 008 Paris
www.theatredurondpoint.fr

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