ƒƒƒ article de Denis Sanglard

© DR

La vie en rose ! Un rose bonbon collant, bien kitch et assumé, pour une chambre d’hôtel en Normandie, face à la mer, nouvel écrin pour notre diva assoluta du théâtre, Michel Fau. Apparition magique et attendue, ô combien, dans ce décor fraise tagada, entre Mae West, Marie Bel (pour ceux qui s’en souviennent), Jacqueline Maillan (pour ceux qui, etc). Michel Fau tout simplement, en pleine forme et à pleine voix pour une nouvelle création totalement déjantée, un hommage à la chanson réaliste française. Logique pour qui explore depuis « L’Impardonnable revue pathétique » la chanson dans tous ses états, du cabaret-revue donc au lyrique avec « le Récital emphatique » qui vit notre Diva triturer (torturer ?) à sa façon le répertoire classique. Dans cette chambre où Lady Margaret, blonde platinée sur le retour, rejoue sa vie, « une tragédie romanesque », il y a un parfum étrange et surréaliste de Jacques Demy sous substance illicite scénarisé par Barbara Cartland, une comédie musicale à l’eau de rose et en chambre pour deux acteurs / chanteurs, Antoine Kahan, groom harcelé par cette cougard désespérée d’un nouveau genre, donnant superbement la réplique et de la voix ( très belle) à Michel Fau, impayable et impériale, dont on ne sait toujours pas s’il joue car c’est un mystère que son jeu tout en rupture, tout à la fois superficiel et profond, imprévisible, au public directement adressé. À la vérité Michel Fau n’est jamais travesti, ce sont ces héroïnes trasch, casch et pathétiques qui sont travesties en Michel Fau. Michel Fau demeure toujours Michel Fau. Mauvaise humeur et faconde insolente et sans façon comprises. Là est son génie sans aucun doute. « Nevrotik-Hotel » donc, ce nouvel opus, que Christian Siméon a conçu comme on taille une robe sur mesure, gaine comprise, mais qui craquerait un peu quand même aux coutures, prétexte à chansons réalistes explorant toute notre misère humaine, nos amours impossibles, tragiques et pompiers. Chanté avec la grande classe approximative d’une Damia en fin de règne, gestuelles ampoulées et appuyées en sus. Michel Fau reprend tous les clichés afférents de ces chanteuses passées qu’il brasse avec ceux du travesti, les deux vont souvent de pair pour qui connait l’art du torch-song, qu’il sublime et décale tout à la fois. Les chansons qu’expriment nos deux acolytes comme on exprime un suc doucereux, amer et violent tout à la fois, sont signées Michel Rivegauche, Pascal Bonafoux, Jean-François Déniau, Julie Daroy, Hélène Vacaresco, Claude Delecluse et Michelle Senlis. Rendons grâce à Michel Fau de les avoir exhumé. Il aurait été en effet dommage de passer à côté de chefs d’œuvres immarcescible comme « La moustiquaire du Caire » ou l’inénarrable « Le printemps dans le Sussex »…et autres chansons qui vous arrachent des larmes et des sanglots étouffés…de rire. Et puis une création de Michel Fau ne serait pas complète sans une caution intellectuelle. Elle est là, encore une fois, sournoisement dissimulée, Marguerite Duras, clichés pour clichés, faufilée dans ce collier de perles rares. Accompagnée cette fois de Nathalie Sarraute dont les citations tombent ici, dans ce contexte, de façon hilarante et imparable.

Nevrotik-Hôtel
Mise en scène de Michel Fau
Trame et dialogue Christian Siméon
Musiques Jean-Pierre Stora
Chansons Michel Rivegauche, Pascal Bonafoux, Jean-François Déniau, Julie Daroy, Hélène Vacaresco, Claude Delecluse et Michelle Senlis.
Décor Emmanuel Charles
Costumes David Belugou
Lumières Joël Fabing
Maquillage Pascale fau
Perruque Laure Talazac
Assistant à la mise en scène Damien Lefèvre
avec Michel Fau et Antoine Kahan
Piano Mathieu El Fassi
Accordéon Laurent Derache
Violoncelle Lionel Allemand

Du 3 au 8 janvier 2017 à 20h30, le dimanche à 16h

Théâtre des Bouffes du Nord
37bis boulevard de la Chapelle – 75010 Paris
M° La Chapelle
Réservations 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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