Critique de Djalila Dechache –
La lecture du texte Monsieur Pipi d’Amanda Sthers est à l’affiche au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées du 16 au 30 juin 2011.
Sauf que ce n’est pas tout à fait une lecture. C’est bien plus que cela. Il ne manque pas grand-chose pour le transformer en spectacle et on ne sera pas étonné que Jean-Michel Ribes directeur du lieu, le programme bientôt.
Dominique Besnehard, le Dominique Besnehard qui se distinguait jusqu’alors dans la direction de casting et dans celle d‘agent, oui c’est bien lui qui se lance un défi incroyable avec cette lecture. Il a l’élégance de savoir le texte quasiment par cœur, ne se servant de l’écrit que rarement. C’est qu’il l’aime ce texte, il y croit, il y va Dominique, il entre complètement dans la vie de ce personnage venu d’un pays lointain, d’un pays qui se termine en « stan », là-bas, si loin que l’on ne sait pas où il se trouve vraiment. Cet homme ordinaire et pas comme les autres, débarque à Paris un jour et travaille comme dame pipi dans un grand café célèbre, une institution.
Dominique Besnehard | © Karl Lagerfeld
Le texte est beau, bien écrit, plein de poésies et de trouvailles langagières avec des tournures telles que « Dame pipi ou le conclave des latrines », toute une époque intellectuelle et artistique qui fout le camp après l’existentialisme et les poèmes de Boris Vian, là-bas non loin du café de Flore, rive gauche, Paris.
Et puis il y a les petites histoires, les habitudes de certains qui ne vont pas aux toilettes pour soulager le besoin le plus élémentaire, mais pour assouvir « une vague besogne ». Il y a ceux qui ne laissent jamais rien à dame pipi dans la coupelle blanche laissée sur le coin de la table, avec une seule pièce de monnaie en évidence.
On sent que Dominique Besnehard aime la scène, passés les premiers moments de trac, d’intimidation de cette salle totalement pleine et totalement à son écoute. Il s’installe peu à peu puis vraiment dans le texte, dans la pièce, sur scène. Il y met des silences, il y met des regards, il baisse la voix, l’élève, il vient nous chercher et il nous prend. Nul n’y échappe. Il se lève, fait quelques pas vers le public, semble désigner quelqu’un, lentement, se rassied avec une grande douceur. De temps à autre, la voix d’une femme chante une mélopée déchirante comme un appel lancé dans la nuit.
C’est un bloc de sensibilité, Dominique Besnehard.
Lui dont le talent est d’embellir les comédiens en leur donnant un rôle sur mesure, en leur faisant prendre des risques, il s’est embelli tout seul Dominique, il a rencontré ce texte et s‘en est épris immédiatement, il y a mis de lui, beaucoup de lui. Il nous le livre comme une confession, un coup de foudre avec juste ce qu’il faut d’émotion, de retenue, quelle voix, avec son chuintement si reconnaissable, il en a fait une marque de fabrique. Au moment du salut , il appelle l’auteur pour venir partager sa joie, sans qu’il puisse s’empêcher de lui demander, discrètement « ça a été ? »
Et elle de lui répondre avec un oui ému, souriant, ébloui.
C’est difficile de s’extirper du théâtre après, on se sent séparé d’un être attachant, d’un ami et d’un comédien plein de promesses.
Monsieur Pipi
– Lecture –
Monologue de : Amanda Sthers
Avec : Dominique Besnehard
Mise en espace : Christophe LemaîtreDu 16 au 30 juin 2011
Dans le cadre de Dix-huit Lectures MonstresThéâtre du Rond Point
2 bis avenue Franklin D.Roosevelt, 75008 Paris
www.theatredurondpoint.fr