Critiques // « Monsieur Martinez » (Les Cadouin #1), la Compagnie Teknaï au Rond-Point

« Monsieur Martinez » (Les Cadouin #1), la Compagnie Teknaï au Rond-Point

Déc 04, 2010 | Aucun commentaire sur « Monsieur Martinez » (Les Cadouin #1), la Compagnie Teknaï au Rond-Point

Critique d’Evariste Lago

Une tranche de vie avec les frites ?

Rire de la misère des autres

Cette pièce est construite à partir d’improvisations des comédiens. Monsieur Martinez est un homme blessé. Pas physiquement. Moralement. Sa femme s’est suicidée voilà huit ans et la douleur est toujours vive. Comme tous les ans en juillet, Joaquim Martinez est en vacances scolaires et s’ennuie déjà. Sur le bord d’une route du Nord, un parking glauque devant des barres d’immeubles cloacaux. Une baraque à frites où s’activent les sœurs Cadouin, Viviane et Suzanne, pupilles de la nation. Mickaël Pichon répare sa mobylette juste à côté et drague Suzanne qui tapine de temps à autres. Voilà les antidépresseurs de Monsieur Martinez. Ces quatre là s’apprécient même si tout les sépare. Ils forment un groupe mais ils sont enfermés dans leur solitude.

© Giovanni Cittadini Cesi

Ces petites gens vont se raconter, se dévoiler et prêter à sourire. Joaquim tente de faire rire ses contemporains en maniant la langue française, sans grand succès, jouant contre sa mine de clown triste et dépressif. Suzanne construit son arbre généalogique d’après les informations glanées auprès de sa grande sœur et colle au bout des branches des photos de célébrités. Elle n’a pas de photo de famille donc les gens qu’elle croise régulièrement dans les journaux ou à la télé seront ses proches. C’est triste d’être seul, mais le public rit. Vivianne, conteuse d’histoires familiales, vend des frites, fait les comptes, ne veut plus payer d’impôts et envoie sa sœur racoler. Mickaël, cheveux blonds filasses, agent de sécurité, protège sa mobylette et la baraque à frites des gens simples. Il est une caricature, un mélange des gens du nord et de Brice de Nice. Joaquim va petit à petit se colorer en tombant amoureux de Vivianne qui n’aura pas le temps de céder à ses avances. Mickaël, hors de lui après les attouchements ratés opérés sur Suzanne, s’acharnera sur Joaquim en coulisse. Le meurtre n’est pas visible, le crime pas banal.

© Giovanni Cittadini Cesi

Rire de la misère des Hommes

Hors Joaquim Martinez, les trois autres sont culturellement limités. Il est difficile de ne pas rire de ces personnages à la limite de la caricature même si l’on sent bien que nous rions de leur tristesse, de leur simplicité et de leurs malheurs. Après tout, ce n’est pas si grave puisqu’on peut rire de tout et qu’une telle distance semble nous séparer des personnages. Cette distance est accentuée par la mise en scène de Quentin Defalt qui utilise des panneaux cartonnés pour les décors et les accessoires, qui a maquillé ses acteurs en blanc et les a habillés de manière intemporelle. Pourtant, l’ensemble est assez drôle car horriblement vrai. Les quatre acteurs, Juliette Coulon, Olivier Faliez, Charlotte Laemmel et Gaëtan Peau, sont crédibles d’un bout à l’autre de la pièce. Leur jeu subtil permet de s’écarter de la tendance caricaturale pour ne garder que l’humain, que la faiblesse humaine. Le rire est salvateur et nécessaire car nous rions de nous même, ce qui est humain et finalement sain.

Monsieur Martinez (Les Cadouin #1)
De et par : La Compagnie Teknaï
Co-écriture : Juliette Coulon, Quentin Defalt, Olivier Faliez, Charlotte Laemmel et Gaëtan Peau
Mise en scène : Quentin Defalt
Avec : Juliette Coulon, Oliviez Faliez, Charlotte Laemmel et Gaëtan Peau
Scénographie : Natacha Le Guen, assistée de Germain Peronne
Lumières : Manuel Des feux
Costumes : Agathe Laemmel
Musique : John Dowland,
Assistant à la mise en scène : Julien Zisko
Régisseur compagnie : Julien Barrillet

Du 1er au 31 décembre 2010

Théâtre du Rond Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75 008 Paris – Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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