ƒƒ article de Denis Sanglard

© Gaby/DR

Dernière création de Peeping Tom, Moeder (Mère) deuxième volet d’une trilogie après Vader (Père- ici même chroniqué-) et qui se terminera avec Kinderen (Les enfants) explore la mémoire familiale et individuelle dont la cellule centrale est la mère. Absente ici, morte sans doute, présente, prégnante dans la perte ressentie par chacun. Mais où sommes-nous réellement ? Le plateau est un musée familial étrange où les tableaux exposés, les portraits, changés régulièrement, absorbent les visiteurs, saignent ou pleurent. Musée, bientôt morgue et studio d’enregistrement, maternité cauchemardesque aussi. Le mystère plane sur ce lieu étrange où errent des visiteurs énigmatiques, des gardiens – père et fils ?- attentifs et polyvalents, des femmes enceintes, des infirmières-nurses fantomatiques aux bras démesurément longs, une femme de ménage inquiétante, omniprésente… Ce musée convoque, provoque la mémoire de chacun, entre morne réalité, fantasme et cauchemar dans lesquels les personnages n’en finissent pas de se noyer, au propre comme au figuré. Une perte de repère soudaine, trou de mémoire, où la réalité semble glisser inexorablement vers l’inconscient le plus noir de chacun. Les corps alors se désarticulent brusquement, seuls ou collectivement, une transe, une danse de saint-guy foudroyante qui dénonce, accuse violemment le malaise des personnages soudain tétanisés, projetés malgré eux dans une perte de contrôle qui semble ne plus avoir de limite. On ne s’étonne bientôt plus de rien, pas même de cette relation passionnée et mortelle, invraisemblable et drôle, entre une machine à café, très sensible, et une danseuse. C’est cette oscillation entre humour surréaliste, très belge ça, et rêve éveillé poisseux qui fascine et permet une heureuse distance. C’est une création en apparence austère, bien moins violente dans son propos et son traitement que Vader, et d’une légère mélancolie étonnante. On peut être dérouté par cette atmosphère en demi-teinte, entre chien et loup. Que renforce une bande-son qui ajoute au mystère, des bruitages en direct qui mettent à distance l’action en dénonçant la théâtralité, des chants qui vous glacent d’effroi malgré leur beauté. Alors que l’on se débarrassait par tous les moyens du père dans Vader, que celui-ci sombrait dans la folie, ici dans Moeder, la mère déjà disparue, enterrée dès la première scène, est omniprésente par cette vision cauchemardesque de la maternité qui traverse cette création. Maternité réelle ou fictive. Une vision pessimiste et peu féministe qui réduirait la femme à ça, porter un enfant, accoucher dans la douleur (hilarante scène d’accouchement métamorphosée en concert de rock). Maternité qui augurerait du destin de chacun et l’inscrirait d’emblée dans la perte. Naître c’est déjà mourir et acter la mort de la mère. De quoi vous marquer à vie. Maternité qui là aussi vous projette dans l’espace, vous déconstruit, avant de vous clouer au sol. Vision désamorcée par l’humour et l’horreur, aussi, et fort heureusement.

Moeder(Mère)
Peeping Tom
Conception et mise en scène Gabriella Carrizo
Aide à la mise en scène et dramaturgie Franck Chartier
Création et interprétation Eurike De Beul, Maria Carolina Vieira, Marie Gyselbrecht , Brandon Laegert, Hun-Mok Jung, Yi-Chun Liu, Simon Versnel, Charlotte Clamens
Assistante artistique Diane Fourdrignier
Composition sonore et arrangements Raphaëlle Latini, Renaud Crols, Glenn Vervliet, Peeping Tom
Mixage audio Yannick Willox, Peeping Tom
Conceptions lumières Giacomo Gorini, Amber Vandenhoeck
Costumes Diane Fourdrignier, Kristof Von Hoorde, Peeping Tom
Conception décors Amber Vandenhoeck, Peeping Tom

MAC- Maison des Arts de Créteil
Place salvador Allende
94000 Créteil
Du 26 au 28 janvier 2017 à 20h
Réservations 01 45 13 19 19
www.maccreteil.com

du 5 au 7 avril TNBA, Bordeaux
21 au 22 avril l’Onde, Vélizy-Villacoublay
25 et 26 avril Le Grand R, La Roche/yon
3 et 4 mai Théâtre de Caen
17 au 20 mai TNT, Toulouse
30 mai et 1er juin La Rose des Vents, Villeuneuse d’ascq

Be Sociable, Share!

•