Critiques // « Mille francs de récompense » de V.Hugo à l’Odéon mis en scène par L.Pelly

« Mille francs de récompense » de V.Hugo à l’Odéon mis en scène par L.Pelly

Mai 16, 2011 | Aucun commentaire sur « Mille francs de récompense » de V.Hugo à l’Odéon mis en scène par L.Pelly

Crititque d’Audren Destin

Mille francs de récompense est à la fois une comédie, un mélodrame, et une pièce militante. C’est un grand spectacle de divertissement en quatre actes qui se situe dans le Paris de la Restauration.

Il serait vain de tenter ici d’en faire un résumé, les personnages sont nombreux et l’intrigue a de multiples ramifications. Plutôt que de nous perdre dans le détail des événements, mettons en lumière les grandes figures qui traversent ce drame : un repris de justice au grand cœur, recherché par la police et néanmoins prêt à sacrifier sa liberté pour aider son prochain, un jeune employé modèle, honnête, courageux et dévoué à celle dont il est épris, une jeune femme au cœur tendre, amoureuse du jeune homme, une mère qui n’a jamais oublié l’amour de sa vie dont elle a été séparée par la guerre, un vieux grand père malade et ruiné, un jeune noble blasé et dépravé, un baron très riche à la recherche de ses héritiers, un homme sans scrupules prêt à toutes les infamies mais toujours dans le cadre de la loi, des huissiers, des gendarmes, et vous avez là à peu près réuni tous les ingrédients du drame.

© Polo Garat-Odessa

Jacques Prévert disait que pour faire une bonne histoire, il faut commencer par créer des personnages forts et marqués, et qu’ensuite en faisant se rencontrer ces personnages, les histoires naissent souvent d’elles-mêmes. C’est ce qui se passe, me semble-t-il, dans cette pièce. Chaque personnage est confronté à un problème qui attend sa résolution, et c’est en les rassemblant qu’on y arrive. Derrière les histoires individuelles, on retrouve quelques grands thèmes qui sont encore d’actualité, et le seront probablement toujours jusqu’à ce que l’homme disparaisse définitivement de la surface de la terre : la pauvreté, la brutalité de certaines mécaniques sociales, l’injustice, la cupidité, la dépravation, mais aussi l’amour, le sens de la justice, le courage, le désintéressement jusqu’au sacrifice, bref d’un côté le mal et de l’autre, le bien. Cependant Victor Hugo n’est pas complètement manichéen, car après tout, l’un des héros de cette aventure est un bandit en fuite. Et puis n’oublions pas que c’est d’abord une comédie et que cet aspect prime ici bien largement sur la critique sociale.

© Polo Garat-Odessa

De ce point de vue, ce spectacle est une réussite totale, les acteurs sont excellents, les décors qui se succèdent tout au long de la pièce sont superbes, le rythme est soutenu et je n’ai d’ailleurs entendu aucun ronflement autour de moi ce qui est plutôt bon signe. Malgré la longueur de la pièce (3h15 avec un entracte), on se laisse porter par l’intrigue et le suspense (bien que l’on se doute que le dénouement sera heureux). Tout en restant fidèle à l’époque dans laquelle la pièce a été créée, le metteur en scène Laurent Pelly a réussi à donner un ton résolument contemporain à l’ensemble, sur le plan esthétique, comme dans la direction d’acteur. En ce sens le caractère le plus réussi est indéniablement le jeune et noble M. de Pontresme, qui ne songe qu’aux plaisirs de la table et du jeu, et que la nouvelle de sa nomination à de hautes fonctions judiciaires laisse plus consterné que n’aurait fait l’annonce de sa ruine. Sa mèche, son accent, son air chiffonné lorsqu’il arrive au tribunal à une heure qu’il juge sans doute bien trop matinale en font un personnage véritablement truculent. Son numéro dans la scène finale est magistral.

Bien sûr en sortant de la salle on peut se poser la question : qu’en reste-t-il ? C’est d’ailleurs la question que posait à son compagnon une personne marchant à côté de moi, tout en se dirigeant vers la sortie. Bien que je ne sois pas certain que l’aspect contestataire de la pièce soit véritablement marquant pour le spectateur d’aujourd’hui, habitué aux films des frères Dardenne et autres, cela reste avant tout une comédie réjouissante dont la mécanique marche à merveille.

Mille francs de récompense
De : Victor Hugo
Mise en scène : Laurent Pelly
Dramaturgie : Agathe Mélinand
Scénographie : Chantal Thomas
Costumes : Laurent Pelly
Maquillages & coiffures : Suzanne Pisteur
Masques : Jean-Pierre Belin
Lumière : Joël Adam
Son : Aline Loustalot
Avec : Vincent Bramoullé, Christine Brücher, Emmanuel Daumas, Rémi Gibier, Benjamin Hubert, Jérôme Huguet, Pascal Lambert, Eddy Letexier, Laurent Meininger, Jean-Benoît Terral, Émilie Vaudou, et avec la participation de François Bombaglia dans le rôle du fripier

Du 11 mai au 5 juin 2011

Odéon Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon, Paris 6e – Réservations 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.fr

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