Critique de David C. –

(à l’usage des mammifères doués de raison et autre hominidés un peu moins doués)

Tout est dans le titre.

Monsieur Cusset est un homme seul, sur scène. Et il me parle de son monde. Ou tout au moins de son monde politique, mais pour lui il n’y a pas de différence. Monsieur Cusset conte son histoire avec comme point de départ (en noir) sa rencontre intime avec un « homme très à gauche » et en finissant (en blanc) dans un asile de fous qui occupe toute la surface de la planète. Et on a le temps entre temps de se noyer dans ce monde à la fois onirique et accroché aux soucis de l’existence de tous les jours.

L’inconstance nous rend fou.

J’étais assez impatient de voir ce qu’on pouvait encore dire sur la politique. Et le début du spectacle m’a vraiment rassuré. Rien à voir avec la politique engagée. Monsieur Cusset a commencé en me faisant changer de monde. Je suis passé de ma vie quotidienne à l’univers loufoque et fou d’un homme qui sort pour la première fois de sa vie dans la rue pour manifester seul et en silence. Voilà une manière fraîche et originale d’aborder la politique ! En plus, Monsieur Cusset a une écriture bien travaillée. Il joue habilement avec le son et le sens des mots. Et au passage, il nous fait réfléchir un peu.

« Face à l’effroi on préfère rester dans sa torpeur, c’est normal, on a trop peur, même si on a tort, tort d’avoir peur. Moi j’avais plutôt peur d’avoir tort de rester dans ma torpeur, alors j’ai pilé ma torpeur et torpillé ma peur. »

Mais malheureusement, chez les fous, rien ne dure à part l’inconstance. J’avais à peine commencé à me dire que j’allais passer un bon moment, quand soudain, le ton change. Monsieur Cusset s’endort et rêve qu’il peut tout se permettre. Et quand il se réveille, il n’est plus ce fou naïf qui me donnait des conseils en révolution. Je me retrouve à écouter un homme, seul, me parler de la différence entre la droite et la gauche, puis parler de Dieu comme d’un capitaliste, puis de la vie comme d’une dure réalité à combattre et puis de Marx et la lutte des classes ! Tous les sujets sont abordés puis jetés. Je ne comprends plus rien. Et les jeux de mots qui avait pimenté cet univers deviennent maintenant un obstacle à la compréhension déjà difficile. Il y a de quoi devenir fou.

La folie nous endort.

« On ne pourra tirer de cette fable d’autre leçon que celle de Blaise Pascal : « Les hommes sont si fous que ce serait être fou par un autre tour de folie que de n’être pas fou ». »

A force de folie dans tous les sens, je ne sais plus où donner de la tête. Et un homme qui se prétend fou pour accuser le reste du monde de folie mais tout en espérant que son public ne soit pas trop fou pour comprendre le sens mais assez fou pour apprécier le style, je n’aime pas. J’ai entendu et vu tellement de choses différentes que ce spectacle censé être différent m’a paru identique à tout le reste. Bref, je me suis ennuyé sur la seconde moitié du spectacle. Celui-ci se termine sur un monologue accompagné d’images de publicité censées être d’une débilité profonde. Je ne pourrais pas vous dire de quoi parlait ce monologue, par contre je me souviens très bien des pubs.

Yves Cusset signe ici son troisième solo humoristique. Les deux premiers traitaient d’un sujet plus philosophique et existentiel et avaient eu un franc succès. Le défi d’aborder un sujet politique est selon moi raté. Mais si vous avez par hasard un peu de temps et d’argent en trop, beaucoup d’intérêt pour notre société et une immense part de folie, vous pouvez toujours aller voir Monsieur Cusset avant de vous coucher.

Manuel d’Engagement Politique
à l’usage des mammifères doués de raison et autre hominidés un peu moins doués
Auteur et interprète : Yves Cusset
Direction d’acteur : Fanny Fajner
Scénographie : Fanny Fajner et Yves Cusset
Avec l’amicale participation de Denis D’Antoni

Du 7 Octobre au 23 décembre 2010

Théâtre de Ménilmontant
15 rue du retrait, 75020 Paris
www.menilmontant.info

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