Critiques // « Made in Italy » d’E. Castellani et V. Raimondi à l’Odéon / Festival Impatience

« Made in Italy » d’E. Castellani et V. Raimondi à l’Odéon / Festival Impatience

Juin 18, 2010 | Aucun commentaire sur « Made in Italy » d’E. Castellani et V. Raimondi à l’Odéon / Festival Impatience

Critique de Bruno Deslot

Une marque de fabrique si singulière !

Le Festival Impatience débute sa programmation avec un label explosif, abrasif, une marque déposée particulièrement singulière. Made in Italy créée en 2007 par la compagnie italienne Babilonia Teatri a fait trembler l’Odéon hier soir dans une ambiance aussi surprenante que dévastatrice.

Un enchevêtrement de tubes fluorescents, suspendu en fond de scène, sur lequel est écrit le titre du spectacle Made in Italy, s’impose comme le tympan d’un édifice que les fidèles fréquentent bien malgré eux. Une série d’icônes, déformées par des mots lâchés en rafales, sonne le glas d’une litanie qui procède par accumulation, répétition et absorption.

© Marco Caselli Nirmal

Adam et Eve, dont le corps nu caressé par une lumière douce, jurent de dire la vérité et rien que la vérité, annoncent le début des hostilités ! Dès lors, les images et les mots naissent et meurent continuellement. Du péché originel au conte de fée où Blanche-Neige dans sa multitude règne en maîtresse de cérémonie au milieu de ses nombreux nains, les scènes n’ont ni début ni fin et se succèdent au rythme aliénant d’une musique électronique omniprésente.

Sur un plateau nu, Enrico Castellani et Valeria Raimondi mènent une véritable course vers l’abyme, celle d’une Italie « berlusconisée », atomisée et réduite à une marche forcée, une mise au pas que les comédiens expriment corporellement lorsque, face public, placés dans les startings blocks de la systématisation, ils enchaînent en hurlant les mots de la déflagration. Offrant un portrait impitoyable de l’Italie, loin de l’image idéalisée des gondoles à Venise et de l’Eglise Saint-Pierre de Rome, la vitrine magique explose et pulvérise une image surannée d’un pays qui se meurt ! Made in Italy est un fabricant extraordinaire de préjugés, de platitudes étalées comme des litanies, d’hypocrisie, de préjugés, d’intolérance, de fanatisme… en somme, un produit bon marché et tragiquement comique.

© Marco Caselli Nirmal

Un portrait iconoclaste et impitoyable du « sacré » s’oppose au match de football ponctué de commentaires partisans et patriotiques d’un pathétisme désolant. Les images sexuées, d’une société conformiste, tentent de s’émanciper du cadre donné dans lesquelles on les confinent par des gestes obscènes et outranciers, libérant le mal là où cela pourrait faire du bien ! Irrévérencieux, caustique et décapant, Made in Italy s’impose à la scène par une suite de variations aussi subtiles que fortes, recourant à des structures verbales qui par répétition relèvent de l’obsession, d’une systématisation de la pensée s’embourbant dans le conformisme que le théâtre tente de sauver.

Une résistance outrancière, bruyante et dérangeante à tout point de vue ouvre donc le bal de la création artistique au Théâtre de l’Europe dans le cadre du Festival Impatience. Alors que la France entière est arrimée à son écran plat pour éructer des formes de langage que seule la multitude bruyante et grisée par le houblon peut comprendre, Made in Italy offre une belle forme de résistance au conformisme !

Made in Italy
De, mise en scène et avec : Enrico Castellani, Valeria Raimondi
Production : Babilonia Teatri, Operaestate Festival Veneto
En collaboration avec : Viva Opera Circus / Teatro dell’Angelo

Les 17 et 18 juin 2010
Dans le cadre du
Festival Impatience 2010

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon, 75 006 Paris
www.theatre-odeon.fr

www.babiloniateatri.it

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