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Madame Arthur, Cabaret, au Divan du monde

Fév 08, 2017 | Commentaires fermés sur Madame Arthur, Cabaret, au Divan du monde

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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Voilà un lieu emblématique, un cabaret ressuscité, tout petit-petit, on s’y serre avec bonheur, on y boit et on y mange, pour entendre toutes oreilles grandes ouvertes et zygomatiques de même un récital de haute tenue, drôle, très drôle, bringuezingue et généreux. Chez Madame Arthur drag-queen et travestis, mais pas que, font leur show avec autant d’humour enlevé que de talent élevé. Même si parfois ça déraille, qu’importe, la justesse demeure. Humour queer vachard, pas de cadeaux entre-eux dans l’autodérision haute-en-couleur, ni envers le public qui en prend pour son grade avec un à-propos aussi foudroyant qu’hilarant. Et sur cette minuscule scène qui peine à les contenir, coincés sont-ils entre piano et micro, la chanson française a la part belle. Répertoire connu ou méconnu, populaire ou intello, de Marie Dubas à Ingrid Caven en faisant quelques détours du côté de Piaf –bien sur- et de Patachou, de France Gall à Christine and the Queens, Dalida, Zizi Jeanmaire ou encore Jacques Higelin. Normal, les reines se sont-eux, tout en strass et paillettes, plumes, robes, corsets et jarretières, en jambes et en voix, qu’ils ont superbes. La voix, et le reste aussi. Un organe vocal qui, lui, n’est pas travesti. Car sous le fard et les faux cils (mention spéciales à Patach’touille et ses pétales) ils sont eux-mêmes, chacun avec sa personnalité bien campée, humour camp en sus. Voilà un cabaret interlope, un vrai, qui se contrefout du touriste en mal de voyeurisme, lequel ne connaît pas ce lieu encore protégé – ici se sont des habitués ou de futurs habitués – avec un côté foutraque se jouant des clichés affirmés crânement pour mieux les retourner, en jouer avec panache. L’essentiel est ailleurs. Point de vulgarité mais une classe folle, une élégance jusque dans la vacherie qui cingle et fait mouche. Et une générosité, rosse certes mais vraie, une sincérité, un plaisir d’amateur dans les intentions de défendre et visiter un répertoire de chansons françaises sans l’étiquette homo collée comme un stigmate. Mais plutôt une fierté bravache, rigolarde et couillue. Le répertoire choisi est vaste, et bien au-delà de ce que certains pouvaient en attendre. Pas de clichés donc, ou a minima comme un clin d’œil, dans le choix. Cabaret interlope peut être mais avant tout cabaret de répertoire comme le fut pour ceux qui le connurent le piano-zinc il y a déjà un certain temps, ici dans sa version drag-queen haute en couleur. Un lieu où le plaisir de chanter et de partager compte bien avant tout, sans autre prétention. Et c’est ce courant-là qui passe merveilleusement. Ce sont de vrais amateurs et de fins connaisseurs de la chanson française. Avec surtout un art consommé pour réinterpréter sans excès de folie –enfin, quoique- mais avec émotion parfois ou un zeste de parodie ou d’ironie toujours mesurée, même dans l’excès attendu, un répertoire vaste, chansons réalistes ou rengaines sucrées, chansons pop ou mélodramatiques. L’exercice est périlleux, franchement casse-gueule, mais c’est haut la main et en talon de douze qu’ils revisitent avec justesse les standards et les perles rares entre deux piques bien balancées. Jamais dans l’imitation mais bien dans l’interprétation, aussi décalée soit-telle. Le public lui, complice, en redemande. Reprend en chœur refrains et paroles sans se faire tirer l’oreille. Ce soir-là il y avait Miss Morian dont les tenues glamour ébouriffaient le public et les dames attablées, les messieurs n’étant pas en reste, Corrine dont la reprise et la chorégraphie de Christine and the Queens ne laissa pas indifférent une salle hilare, Victoria, mutine et la seule femme de ce quatuor déchaîné, et Patach’ touille enfin, qui rendit un hommage vibrant à la reine de Montmartre, Patachou, qui officiait à quelques encablures. Ce ne sont jamais les mêmes d’un soir à l’autre, il y a même des invités surprises. Et deux revues différentes par soirée. Ce qui offre l’avantage de retourner fissa, avec la même gourmandise et sans modération dans ce lieu unique, ce cabaret au « je ne sais quoi » qui fait tout son charme et dont on espère qu’il « fera parler de lui longtemps longtemps longtemps, (même) sans journaux ni réclame ».

 

Madame Arthur, Cabaret
Avec la troupe de Madame Arthur
Madame Arthur

Au Divan du monde
75bis rue des Martyrs
75018 Paris
Du mercredi au samedi 21h et 23h
Réservations 01 40 05 08 10

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