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Madame Arthur, Cabaret, au Divan du Monde

Avr 24, 2018 | Commentaires fermés sur Madame Arthur, Cabaret, au Divan du Monde

fff article de Denis Sanglard

© Gilles Crampes

Nous revoilà chez Madame Arthur. Ce cabaret en folie rue des Martyrs, tout petit-riquiqui, mais où ce qui s’y passe à la grandeur et la classe de ceux qui osent, de ceux qui s’affirment, bravaches et insolents, avec un sacré talent. Immense celui-là. Pas pour rien que ces créatures corsetés, toutes de plumes et de strass, ou sans, soient invités désormais de-ci de-là et pas n’importe où… En Avignon, invité par Olivier Py, pour le dernier festival. Il y a peu pour Les premiers adieux de Miss Knife. Et tout dernièrement au Centre National de la Danse transformé pour l’occasion en cabaret interlope. Rien n’en somme que de très logique. Pas une consécration, non, mais une reconnaissance méritée. Sous la houlette vigilante de Monsieur K en maître de cérémonie, toujours aussi imposant, impérial et ne s’en laissant pas conter. Il y avait pour l’occasion pléthore d’invité dont Carmen Maria Vega et Clarika. Habituées elles aussi de ce cabaret chez qui elles ont leur quartier et viennent y faire de jolis tours. Daniel Larrieu caché derrière son avatar Damien Von Blumen. Tout comme Macdonna – Jonathan Capdevielle – caution trash et brute, body panthère et perruque peroxydées pour atours. Et madame Raymonde et sa faconde populo qui ne détonnait pas plus que ça dans sa petite robe et bibi sur la tête parmi ces créatures sublimées. Ces deux-là aussi, habituées aussi de la rue des Martyrs. Et les incontournables pensionnaires dissipées Patachtouille, Corinne, Miss Morian, Venus de Mille Hommes et l’incontournable pianiste Charly Voodoo. Et si Madame Arthur a tant de notoriété confidentielle c’est que là sans doute et nulle part ailleurs surgit un formidable et unique espace de liberté, de fierté et de fronde, un sacré pied de nez poudré et pailleté à la morosité ambiante. Certes on y chante, on y revisite avec brio et panache un large répertoire de Fréhel à Christine and the Queens, de Brecht à Barbara, de Gainsbourg à Eddy de Pretto. On y découvre des perles, des bijoux, une chanson épatante et hilarante de Pierre Note par exemple, de même se fait on volontiers chahuter, tancer, vilipender. Certains jeudis sont désormais consacrés, lors de la première partie, à une artiste singulière participant de l’imaginaire homo et queer. Après Mylène Farmer il y a peu, dont nous comprenions, merci à eux, enfin les paroles, Dalida et France Galle, ce jeudi c’était Brigitte Fontaine qui rentrait avec classe et humour au vaste répertoire éclectique de Madame Arthur. Pour certains dans le public ce fut la découverte d’un univers poétique inédit et bouleversant loin de la libellule excentrique qui masque souvent le formidable écrivain. Mais ces reines, excentriques elles aussi, ces corps queer qui transgressent avec bonheur les genres, brouillent habilement les repères tout en restant eux-mêmes car au final pas plus travestis que vous et moi, pas plus transformistes que ça, toujours en distance avec leur personnage, font de leur art une véritable performance acide et caustique. Ce n’est pas la femme idéale qu’il recherche mais la frontière ténue qui sépare ou réuni les genres. Et là nous basculons avec génie, avec intelligence et en douce, mine de rien, vers quelque chose de bien plus politique. La question du genre, le féminisme, oui ça aussi, l’homophobie, ils y répondent sèchement, avec insolence, avec intelligence du haut de leur stiletto de 16. Et sans vaciller. Pas si folles les guêpes en guêpière. Leurs corps métamorphosés pour ce minuscule plateau est une affirmation crâne d’une réalité qui s’impose enfin et que certains refusent obstinément de voir. Et le choix d’un répertoire populaire de qualité, parce qu’il peut être grand ce répertoire souvent méprisé, choisi avec discernement et goût , dont le hasard fait qu’il colle parfois curieusement avec la réalité ajoute avec évidence aux questions qui taraudent notre société inquiète devant les différences. En cela Madame Arthur, convoquant des artistes d’horizon si divers mais partageant la même appétence pour la chanson et les mêmes questionnements sur l’identité est l’héritier des grands cabarets interlopes berlinois. Mais pas de nostalgie ici. Les artistes invités, Jonathan Capdevielle ou François Chaignaud, voire Jean-Luc Verna, par exemple, passant eux d’un univers artistiques à l’autre, des scènes conventionnées au cabaret, démontrent la porosité de ce lieu unique et son ouverture pour une forme métissée qui fait de Madame Arthur un cabaret révolutionnaire résolument contemporain se refusant à la tradition attendue des cabarets de travestis. Si les codes sont là, ils sont vite détournés, explosés, réinventés. Le décalage permanent, l’exubérance, l’improvisation maîtrisée derrière le côté foutraque, le surgissement, la proximité n’oblitèrent jamais cette volonté d’ouverture et leur engagement profond, leur vérité. Bien au contraire. Derrière les longs faux-cils le regard reste affuté, derrière les coups de gueule rigolards et parfois assassins le discours est toujours pertinent. Cela donne aussi une sacré vitalité puisque d’un jour à l’autre les artistes ne sont pas les mêmes et impriment leur marque sur ce petit plateau digne d’un bordel cosmopolite où le monde dans sa diversité se côtoie, tous serrés et solidaire dans ce lieu si petit qui les contient pour un soir.

Madame Arthur, Cabaret
Avec la troupe de Madame Arthur

Du jeudi au samedi  21h et 23h

Au Divan du Monde
75bis rue des Martyrs
75018 Paris
Réservations 01 40 05 08 10
reservation@divandumonde.com

 

 

 

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