© Pascal Victor
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Troisième volet du projet d’Isabelle Lafon « Les Insoumises », après Lydia Tchoukovskaïa et Virginia Woolf, Monique Wittig (1935-2003) Ecrivaine et féministe radicale dont le roman L’Opoponax obtint en 1964, année de sa parution, le prix Médicis.
Un roman sur l’enfance, celle de Véronique Legrand, mais qui pourrait tout aussi bien être celui de tous les enfants, celui de l’enfance, la vôtre, la mienne. Une écriture unique, rythmée en diable qui déboule, roule infatigable sur un souffle, une énergie égale et sans répit. Des cinq ans sans doute, rien n’est vraiment précisé, de Véronique Legrand à l’aube de son adolescence, quatorze ans peut-être, le temps n’a pas de prise, c’est un ruisseau qui coule, étale, épouse les méandres de son lit sans jamais anticiper… Un récit objectif donc écrit du point de vue de l’enfant, à hauteur de l’enfance. Ce qu’en fait Isabelle Lafon est tout simplement phénoménal. De simplicité et de justesse. Elle aussi déboule dans le texte, déboule le texte comme s’il lui échappait. Debout face au micro, unique scénographie, elle ne joue pas. Elle est, au réel, dans l’écriture qui l’entraîne dans les confins de l’enfance qui la métamorphose, soudain petite fille, bientôt adolescente. L’impression étrange et formidable que tout se crée là, se métamorphose sous nos yeux. Elle est bien plus que Véronique Legrand, elle est toutes ces petites filles qui l’entourent, elle est Soeur de l’Enfant-Jésus, elle est mademoiselle Caylus, elle est l’Opoponax. C’est le si magique de l’enfance et des acteurs. Et c’est le même enchantement que l’écriture de Monique Wittig, sa force, de faire apparaître ce qui est nommé, de le faire disparaître aussitôt. Isabelle Lafon n’est pas seule sur le plateau. L’accompagne un batteur, Vassili Shémann. Contre-point de ce récit. Il y a un véritable dialogue entre ces deux-là, tous deux jouant avec bonheur la même partition. La batterie interrompt, impulse, ouvre le texte, le projette sans jamais s’imposer, l’étouffer. Elle fait au contraire vibrer le récit. Ils sont beaux les coups d’oeil que jettent Isabelle Lafon sur ce partenaire particulier, preuve d’une réelle complémentarité, une vraie complicité. Et quand s’interrompt le récit on est ébouriffé d’avoir traversé le territoire de l’enfance au galop, d’être redevenu l’opoponax, par la magie d’une écriture si singulière et qu’Isabelle Lafon a restitué au plus juste sans la tirer vers elle mais au contraire, avec beaucoup d’humilité et d’intelligence, en se laissant porter par elle en toute confiance.
L’Opoponax
Texte Monique Wittig
Mise en scène Isabelle Lafon
avec Isabelle Lafon et Vassili Shémann à la BatterieMaison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud – 75011 ParisM° ligne 2 arrêt Couronnes
M° Ligne 3 Arrêt Parmentier
Bus Ligne 96du 18 au 22 juillet 2017 à 19h
réservations 01 47 00 25 20
info@maisondesmetallos.org
comment closed