Critiques // « L’Italienne à Alger », l’opéra bouffe de Giovanni Rossini au Théâtre Mouffetard

« L’Italienne à Alger », l’opéra bouffe de Giovanni Rossini au Théâtre Mouffetard

Mai 20, 2010 | Aucun commentaire sur « L’Italienne à Alger », l’opéra bouffe de Giovanni Rossini au Théâtre Mouffetard

Critique de Bruno Deslot

Fiasco au sérail !

L’Italienne à Alger, une exquise réussite d’un Rossini seulement âgé de 21 ans lorsqu’il compose cet opéra bouffe qui a gardé tout son charme et son comique de situation. La Compagnie In-Sense relève le défi en montant cet opéra en deux actes pour le rendre « accessible à tout public […] prêt à jouer à n’importe quel moment » comme l’affirme le metteur en scène, Sergueï Safonov.

Dans un décor de guingois, proposant une représentation surannée des charmes de l’Orient, les comédiens poussent la chansonnette. Entouré de ses sbires, le Bey Mustafà s’ennuie et la belle Isabella, venue en Alger pour rendre la liberté à son amant Lindoro, prisonnier du tyran Mustafà, échoue en terre inconnue et tombe, bien malgré elle, dans les bras de l’homme de pouvoir aux désirs éternellement insatisfaits. L’intrigue se noue autour de cette fâcheuse aventure dont Isabella sait tirer son épingle du jeu. Des corsaires, un palais sur la mer, des eunuques et tout le merveilleux bazar des turqueries encore à la mode au XIXe siècle semblent être restés intact au Théâtre Mouffetard, transformé pour l’occasion en Musée Grévin du mauvais goût ! Les comédiens sont enrubannés, voilés et chaussés comme il se doit, une douce lumière scintille au loin et un bloc de carton-pâte, placé au centre de la scène, représente l’entrée d’un palais oriental. Impossible de se tromper, Isabella est bien en Alger ! Les voix se mêlent, se rencontrent, s’opposent dans une expérience vocale osée et convaincue. Dans l’introduction et le final du premier acte, Elvira chante à la quinte, tentant de sauver les meubles du palais que les graves d’un Mustafà essoufflé font trembler de désespoir. Isabella se perd dans un tumulte vocal qui relève bien du défi comme le souligne le metteur en scène en parlant de cette Italienne à Alger. Des vibratos poussifs tentent de faire illusion avant d’oser le crescendo qui comme la douleur fait du bien lorsqu’il s’arrête ! Un bel exercice choral « prêt à jouer à n’importe quel moment » comme l’affirme Sergueï Safonov, pourvu que ce soit en plein air !

L’intention de mettre en scène un opéra accessible à tout public est bonne mais ne justifie pas cette drôle de parade aussi fade que dépassée, dont les parties théâtralisées auraient dû être davantage développées afin de limiter les efforts vocaux des comédiens. Où alors, fallait-il modifier la distribution ? L’histoire est très compréhensible, en effet, le public se passe de sur titrages puisque les comédiens en ont la charge, recourant à une pantomime plaquée suffisamment explicite pour comprendre que le Bey est amoureux lorsqu’il titube et roule des yeux ou bien lorsque Isabella porte la main à son front pour exprimer son inquiétude.

Le public enchanté par cette prestation a quitté la salle conquis, ce qui est très encourageant pour la Compagnie In-Sense qui, on le voit malgré tout, offre le meilleur d’elle dans cette proposition.

L’Italienne à Alger
De : Giovanni Rossini
Mise en scène : Sergueï Safonov
Avec : Marie Blanc, Julien Joguet, Eric Laigle/Matthieu Cabanes, Philippe Scagni, Jenny Navarro, Alba Isus, Hyalmar Mitrotti, Benjamin Chabert, Sylvain Mollé, Jérôme Castel
Direction musicale : Marc Bizzini
Orchestre : Marc Bizzini (piano), Ludovic Passavant/Hélène Frissung (violon), Bodhana Horecka / Lionel Allemand (violoncelle)
Adaptation et traduction : Marc Bizzini et Sergueï Safonov
Réduction d’orchestre : Laurence Huc
Costumes : Thierry Grapotte

Du 19 mai au 3 juillet 2010

Théâtre Mouffetard
73 rue Mouffetard, 75 005 Paris
www.theatremouffetard.com

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