Critiques // « L’Instrument à Pression » de David Lescot au Théâtre des Abbesses

« L’Instrument à Pression » de David Lescot au Théâtre des Abbesses

Nov 25, 2010 | Aucun commentaire sur « L’Instrument à Pression » de David Lescot au Théâtre des Abbesses

Critique d’Ottavia Locchi

Du théâtre syncopé !

En premier lieu, la musique, le jazz. Et puis ce rapport professeur / élève, castrateur, censeur, qui manie les mots au lieu de manier les notes… S’ensuivent cuivres et rythmes, improvisations, textes balancés, le tout en images s’il vous plait. C’est du jazz ! Et puis, la quête. Le musicien veut trouver l’harmonie, il cherche, il touche, il use son souffle (ou est-ce de l’air ?) et use les esgourdes de son entourage, il perd l’entourage mais continue de chercher, de toucher, d’improviser, jusqu’à en perdre le jazz.

© Philippe Delacroix

Qui aurait cru qu’un mélange de ce genre aurait fait un cocktail aussi détonant ? Véronique Bellegarde propose là un nouveau genre de spectacle, ni théâtre ni concert et pourtant si proche des deux. Ce brassage musical étonnant de fraîcheur se repose sur l’histoire discrète du trompettiste. D’abord avec son professeur, puis ses expériences musicales, ses improvisations, ses rencontres, notamment cette contrebassiste qui sera aussi Amour et qui assistera, impuissante, à l’éloignement du trompettiste dans la dissonance, dans cette recherche de l’harmonie.

Le plus fort, c’est que se succèdent ces épisodes de vie sans chronologie accentuée. En réalité, c’est la musique qui rythme les tableaux, la musique qui fait les rencontres et encore la musique qui finit par céder sa place aux mots, dits par David Lescot. Celui-ci, à la fois auteur, acteur et trompettiste, fait partie intégrante de la mise en scène, et laisse l’impression d’une coopération implicite entre ses textes et le jazz.

© Philippe Delacroix

Instruments sous pression

La batterie, brûlante d’entendre se poser sur elle les sons encore ignorés, tape, cogne, s’efface parfois. Le saxophone vient explorer ce rythme, il vient s’y rendre prisonnier puis, pris de liberté soudaine, il s’envole au dessus de la caisse claire pour laisser peut-être parler l’adversaire sur un ring de boxe, ça cogne, ça touche, ça tourne, ça tourne… Et la trompette les rejoins, que ce soit pour y jouer « Le Lion est Mort ce Soir » pour un touriste qu’importe ! le jazz est là, il les tient, il nous tient, il roule et tambourine, nos oreilles et les instruments sont sous pression !

Nos yeux aussi ont droit à une part de musique. Le décor, évoquant visiblement une salle de concert avec instruments, fils et micros parsemés, est enrichi par ce personnage, à gauche de la scène qui s’appelle « le joueur d’images ». Trois écrans projettent des images, qui seraient comme accordées au son qui se diffuse. Le personnage est visible, il montre son travail, il a son propre matériel de vidéo qui est installé comme on installe une régie. Des ambiances rouges, dorées ou du mouvement fabriqué en live accentuent ce climat rythmée ; le public se délecte de ces atmosphères. Il ne sais plus où il est, il est transporté dans un océan de jazz où il nage avec fougue pour suivre les instruments à pression n’importe où, pourvu que ça tourne ! Un cocktail tonitruant !

L’Instrument à Pression
De : David Lescot
Mise en scène : Véronique Bellegarde
Avec
: Jacques Bonnaffé, David Lescot, Virgile Vaugelade, Odja Llorca, Philippe Gleizes
Visuels : Olivier Garouste
Musique : Médéric Collignon / Virgile Vaugelade, Philippe Gleizes, David Lescot
Lumières : Philippe Sazerat
Son : François Vatin
Construction de l’Instrument à Brumes : Olivier Vallet

Du 23 au 26 novembre 2010

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses, 75 018 Paris
www.theatredelaville-paris.com

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