ƒƒƒ article de Camille Hazard
AGM 1944
Sadie______Aron 1962
Randall______Tessa 1982
Sol 2004
Catherine Marnas nous permet de retrouver, avec fièvre et délice, les membres de la famille, les héros du roman saga Lignes de faille (Prix Femina 2006) de l’auteur franco-canadienne Nancy Houston.
Travailler l’intégral ? Impossible ! Cela représenterait 16h de spectacle ! Alors Catherine Marnas et ses comédiens, coupent, allègent, incisent le texte tout en respectant l’écriture, tout en faisant attention de ne pas altérer la sublime prose de l’auteur.
Quatre heures de spectacle qui passent comme une claque et comme un baiser.
Le texte met en parallèle la Grande Histoire et la Petite Histoire. À travers quatre générations d’une même famille, nous remontons le temps : de notre histoire contemporaine débutant en 2004 avec l’intervention américaine en Irak et la traque de Saddam Hussein jusqu’au mal absolu de la Shoah en 1945, en passant par une « métaphore du laboratoire douloureux d’Israël », et les pleurs en 1982 devant l’étendue du massacre dans le camp de réfugiés Sabra et Chatila au Liban, Nancy Houston propose une analyse trangénérationnelle de cette famille en lien avec les chocs historiques.
« Ces lignes de faille sont les chocs des plaques tectoniques, la violence et les fissures qui entrent dans la constitution de nos personnalités »
C.Marnas
D’où venons-nous ? Qui sommes nous ? Où allons nous ? Pour reprendre le nom du célèbre tableau de Paul Gauguin, il est certain que ces questions animent un jour ou l’autre, chacun de nous, à l’image des membres de cette famille qui interrogent entre autres, leur lien intime au judaïsme. En déboutonnant le temps, en déshabillant l’Histoire nous creusons les origines de cette famille et son lot de non-dits, de secrets. Sol, Randall, Sadie et AGM, en menant des enquêtes, dans leur volonté de SAVOIR qui ils sont, de CONNAITRE leurs origines, n’aboutiront qu’au pied d’un mur infranchissable, devant l’inconnu et le doute… La guerre est pointée du doigt dans cette perte de traces, dans cette coupure généalogique, la guerre qui détruit tout. Mais si les personnages remettent constamment en question leur identité, Nancy Houston nous invite à prendre conscience que nous sommes tous constitués d’une matière mouvante qui s’appelle la vie.
Cette saga familiale nous est racontée à chaque épisode, par un enfant de six ans ; âge qui promet une charge émotionnelle forte et baignée du sentiment d’impuissance face à l’autorité des parents. Une période, comme nous l’explique Nancy Houston, qui n’est pas forcément joyeuse mais qui peut à l’inverse, être très douloureuse… La langue de l’enfant permet une vérité crue sur les événements en même temps qu’une distance poétique accrue par son regard plein de naïveté.
« Il y a dans l’espace cette tension permanente entre l’intime et l’universel, ce que j’avais appelé avec les acteurs le grand écart entre théâtre du Globe et théâtre de cuisine. »
C.Marnas
La mise en scène, travaillée au couteau, est un régal de trouvailles et de simplicité. Les quatre épisodes se resserrent autour de la table à manger, lieu intime et familial, là où les nœuds se font et se défont.
Des maquettes mobiles de buildings entourent cette table et remplissent l’espace en fonction des époques ; jeu de construction pour enfant et paysage urbain vu du ciel. Catherine Marnas choisit dans sa mise en scène, de remonter également le temps esthétique des différentes époques ; si le premier épisode est très coloré, très High-tech, très pop, le dernier tableau dans les années 40 présente un nuancier de couleurs tertiaires allant jusqu’à dessiner une famille « carte postale », tranchant avec la tension du nazisme.
Le jeu des comédiens est exceptionnel, endossant pour la plupart d’entre eux, le rôle d’enfant / parent / grand-parent.
Une immersion extraordinaire dans l’Histoire et les liens qu’elle entretient avec les tréfonds familiaux. Une plongée douloureuse dans les veines familiales, à la rencontre des failles, des douleurs, des silences mais une remontée pleine de vie et de promesses qui formeront à leur tour, leur lot de souvenir et de secrets…
Lignes de faille
D’après le roman de Nancy Houston
Mise en scène Catherine Marnas
Assistanat à la mise en scène Pauline Jambet
Scénographie Carlos Calvo, Michel Foraison
Lumières Michel Theuil
Son Madame Miniature, Fred Garnier, Lucas Lelièvre
Costumes Dominique Fabrègue assistée de Édith TraversoM
Maquillage Sylvie Cailler
Vidéo Olivier Reiso, Carlos Calvo
Arrangements musicaux Olivier Pauls
Fabrication costumes et décor ateliers du Théâtre National de StrasbourgAvec Julien Duval, Pauline Jambet (en alternance avec Élisa Voisin), Franck Manzoni, Sylvie Orcier, Olivier Pauls, Catherine Pietri, Bénédicte Simon, Martine Thinières
Du 12 mars au 11 avril 2015 (durée 4h30 avec entracte)
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 19h00, dimanche à 16h00Théâtre du Rond-Point
2 Bis, avenue Franklin D.Roosevelt – 75008 Paris
M° Franklin Roosevelt
Réservation 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr
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