Critiques // « L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s » de Rodrigo Garcia au Vingtième Théâtre

« L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s » de Rodrigo Garcia au Vingtième Théâtre

Juin 23, 2010 | Aucun commentaire sur « L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s » de Rodrigo Garcia au Vingtième Théâtre

Critique de Bruno Deslot

L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s suivi de J’ai acheté une pelle chez IKEA pour creuser ma tombe

Un consumérisme outrancier entre terreur et quiétude !

Après le succès rencontré en Avignon et au Luxembourg, la compagnie du Centaure reprend L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s au Vingtième Théâtre avec une belle énergie et une urgence à dire propre aux intentions de l’auteur.

Un décor de fortune, posé sur scène comme ces enfants abandonnés quelques heures dans les aires de jeux des grands magasins pendant que leurs parents s’endettent pour relancer l’économie, impose des couleurs criardes, un espace clos et rapidement anxiogène, au regard du spectateur. Le ton est donné, il s’agit bien là d’un texte de Rodrigo Garcia qui, mené tambour battant par trois jeunes comédiens, joue le jeu de la contradiction entre le monde de la torture et celui de la consommation. Un univers fascinant et dérangeant à la fois dont les mots, lâchés en rafales, soufflent le spectateur arrimé à son fauteuil une heure durant, et c’est juste ce qu’il faut.

Reclus dans un espace jeu où tout semble être mis à leur disposition pour qu’ils puissent goûter à un bonheur illusoire, les voici en proie à des soliloques d’une extrême trivialité, ponctués par les interventions de leurs camarades de jeu afin de leur rappeler qu’ils mènent la même course vers l’abyme ! Deux comédiens traversent la salle de spectacle pour rejoindre la scène et annoncer la fable dont il sera question. D’entrée de jeu, Marion Poppenborg affirme sa volonté de se situer au plus proche du théâtre comme l’envisage Garcia, celui d’un rapport scène/salle qui exige la réaction du public, par le cortège de cruautés qu’énonce le texte. Elle place les comédiens en situation d’adresse au public qui, bien heureusement, procède par fulgurance tout comme les mots s’échappant de ces bouches naïves qui les prononcent. Dans une parfaite harmonie, les comédiens oscillent entre déclarations incisives et retour sur eux-mêmes, ce qui donne un rythme réfléchi et jamais exagéré à l’enchaînement des événements, ou plutôt aux phrases lapidaires d’une cruauté tout particulièrement excitante !

Un long tissu rouge couvre la moitié de l’espace de jeu recréant l’ambiance d’un castelet derrière lequel les comédiens débutent le spectacle comme des marionnettes. Heureusement, le rideau est rapidement levé et les marionnettes reprennent vite la place du pantin que Garcia leur a attribuée. Pantin, Guignol, bouffon, pion avançant sur l’échiquier de la vie et quelle vie ! Celle de la consommation à outrance dont se sert Rodrigo Garcia pour aborder la torture avec ses effets sur le corps comme peut le provoquer la nourriture de chez McDonald’s !

L’histoire de Ronald, le clown… et J’ai acheté une pelle… ne procèdent pas d’une juxtaposition de textes mais d’un montage d’une grande intelligence qui apporte fluidité et cohérence à l’ensemble de la proposition. On ne cesse de passer de l’univers jaune et rouge de Ronald à celui tout aussi coloré d’IKEA, dans une ambiance outrancière où les petits thaïlandais se font enculer par des australiens et où les petits américains vont chez McDonald’s le dimanche ! Une vie rêvée, acceptée avec une évidence à couper le souffle tant l’auteur n’a pas peur de nommer les choses et de nous renvoyer face à nous-même, dans un florilège de phrases aussi cruelles que lapidaires, énoncées comme une mise à mort !

Le parti-pris de Marion Poppenborg, et c’est son droit, d’avoir fait des trois comédiens des ados attardés éructant, se masturbant, hurlant des vulgarités à tout bout de champ comme si ils se livraient à un concours de gros mots, adoucit quelque peu le propos de l’auteur, car un adulte qui n’a plus rien à perdre, et le gouvernement actuel en génère de plus en plus, se livre aisément à cette joute verbale sans avoir à passer par une quelconque régression. Mais c’est là un point de détail qui n’altère pas le jeu des comédiens qui surmontent les obstacles d’un texte aussi douloureux et jouissif à la fois. Une belle énergie se dégage de ce trio dont Max Thommes se distingue aisément dans une composition borderline qui contraste avec celle, innocente et pleine de grâce de Laure Rodlan.

Un spectacle roboratif et stimulant qui enfonce toutes les portes du politiquement correct. On aurait cependant aimé que les comédiens aillent encore plus loin dans leur engagement.

L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s
suivi de J’ai acheté une pelle chez IKEA pour creuser ma tombe
Textes : Rodrigo Garcia
Avec : Laure Roldan, Jérôme Varanfrain, Max Thommes
Adaptation française : Christilla Vasserot
Mise en scène : Marion Poppenborg
Scénographie : Jeanny Kratochwill

Du 22 juin au 25 juillet 2010

Vingtième Théâtre
7 rue des Plâtrières, 75 020 Paris
www.vingtiemetheatre.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.