Critiques // « Les Rêves de Margaret » de Philippe Minyana au Théâtre des Abbesses

« Les Rêves de Margaret » de Philippe Minyana au Théâtre des Abbesses

Mar 02, 2011 | Aucun commentaire sur « Les Rêves de Margaret » de Philippe Minyana au Théâtre des Abbesses

Critique de Dashiell Donello

Margaret est matelassière. Son travail, peu gratifiant, n’a pour elle aucun intérêt. Elle vit avec son père et une poule dans un rez-de-chaussée, à Malakoff, en banlieue parisienne. C’est la vie sans surprise, ni éclat. Anonyme et ordinaire. C’est banal. Trop banal. C’est l’ennui. Le traintrain quotidien dans le microcosme d’une société précaire où rodent la solitude et la consternation. Alors pour fuir cette réalité de faits divers, il n’y a plus que les rêves. Margaret chante sa vie et l’affabule. La chenille devient papillon et son existence un conte, un récit en voix off.

La structure de la pièce de Philippe Minyana est en ellipses et didascalies. Ce qui permet la créativité, loin des conventions habituelles, et donne des ouvertures en perspectives variées avec un regard novateur. Les personnages traversent l’histoire anonymement et paraissent posés là comme les matelas de Margaret en attente de capitonnage. C’est un conte désarçonné de sa monture, « il était une fois », et qui vient de l’intimité de l’auteur. Arrivé, comme il dit, en automne 1946 à la clinique des Carmes à Besançon.

© Philippe Dereuder

« Le théâtre est un lieu d’expériences, un laboratoire d’écriture. » Philippe Minyana

On adhère tout naturellement à cette citation, mais il faut un moment pour la recherche et un autre pour représenter le fruit de son observation. Ce qui est magique au théâtre, c’est qu’après avoir expérimenté l’intime l’on trouve la manière de l’offrir. Hélas ! La mise en scène de Florence Giorgetti nous fait douter de sa complicité avec « l’Épopée de l’intime » de Philippe Minyana. La ligne de l’horizon ne distingue pas le ciel de la mer, comme sa proposition ne distingue pas le réel de la fable. Le décalage, qui fascine tant l’auteur des « Rêves de Margaret », ne donne pas à la vérité cette transcription de la cohabitation de l’horreur et du Guignol que demande Philippe Minyana. Si l’on a bien compris qu’il faut une voix de fausset pour contrefaire l’adolescence, on est moins convaincu de sa véracité. S’il est évident (du moins on l’espère) que Florence Giorgetti chante faux pour signifier la vie sans saveur de Margaret, on doute que la vie précaire qui l’entoure soit approximative. Ce qui était une réussite avec les textes chantés dans les films de Jacques Demy, devient un ennuyeux spectacle loin de ce qui aurait pu être hymne à l’humanité. Ce « musical » parlé et chanté nous laisse interdits. Il devait nous éclairer, il nous exclut et semble renfermé sur lui-même. Il devait nous sortir de l’indifférence et pourtant nous y installe davantage. Est-ce que la misère doit être caricaturée pour nous concerner ? La fiction venue du réel est terriblement cruelle. L’indigence plus complexe qu’une fuite rêveuse. Cela est pléonastique de forcer le misérabiliste sur le thème de la pauvreté. Certes, il est agréable de faire du théâtre en « famille », de ressembler à soi-même, d’être une troupe joyeuse, mais le confort bienveillant d’un clan amical peut couper la relation avec le public. Un manque de recul critique aboutit bien souvent à un résultat complaisant. Pour faire sens avec « Les Rêves de Margaret », il nous a manqué la sincérité et l’humanité toute simple de son récit.

Les Rêves de Margaret
De : Philippe Minyana
Mise en scène et costumes : Florence Giorgetti
Avec : Hélène Fouber, Florence Giorgetti, Nicolas Maury, Émilien Tessier, Penda Traoré
Scénographie et lumière : Laurent P. Berger
Son, musiques et chansons : Reno Isaac
Assistant à la mise en scène : Julien Lacroix

Du 28 février au 12 mars 2011 à 20 h 30

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses, 75 018 Paris
www.theatredelaville-paris.com

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