Critiques // « Les Oiseaux » d’Aristophane par Alfredo Arias à la Comédie Française (reprise)

« Les Oiseaux » d’Aristophane par Alfredo Arias à la Comédie Française (reprise)

Sep 29, 2010 | Aucun commentaire sur « Les Oiseaux » d’Aristophane par Alfredo Arias à la Comédie Française (reprise)

Critique d’Audren Destin

Torotorotorotorotix
Kikkabau kikkabau
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Dans sa version des Oiseaux d’Aristophane, Alfredo Arias a pris bien des libertés et on n’a pas manqué de le lui reprocher. Ainsi, d’après certains, ce ne serait pas l’œuvre d’Aristophane qui serait rentré dans le répertoire de la Comédie-Française mais bien celle d’Arias. Langue « déplumée », propos édulcorés et consternation générale ! Toutefois ces reproches me semblent bien exagérés et en ce qui me concerne, j’ai passé un fort bon moment à la Comédie-Française en compagnie de ces volatiles.

Le reproche qu’on peut nous faire, ce n’est pas de vouloir entrer de force dans le pays, mais au contraire de vouloir en sortir.

Belle Espérance et Camarade Constance, guidées par un choucas et une corneille, sont à la recherche de Térée, « l’homme qui est devenu la plus oiselle de toutes les oiselles, une huppe! ». Ils fuient leur patrie, certes, magnifique, généreuse mais surtout particulièrement gourmande en amendes, indemnités et impôts. Ils sont donc en quête d’un endroit à l’abri des taxes et des procès où ils pourraient finir leurs jours paisiblement. Et c’est auprès des oiseaux qu’ils s’adressent dans cette quête d’une cité idéale. Il est important de préciser que ces oiseaux auxquels ils s’adressent ont une particularité, ce sont des oiseaux comédiens et ils nichent à la Comédie-Française. On ne se refuse rien. Parmi ces oiseaux-comédiens, citons au passage, Arlequin, Othello, Phèdre ou encore Cyrano, déplumés par les courtisans, les flatteurs et les femmes…

Elle est rusée comme une petite renarde ! Finaude, embobineuse, astucieuse, sinueuse, séductrice, manipulatrice, actrice…

Le premier objectif de nos deux fuyards est donc de convaincre les oiseaux, et en premier lieu La Huppe, de fonder cette cité. L’idée est d’abord mal accueillie et les deux émigrées échappent de peu à l’extermination pure et simple, mais heureusement pour eux, les oiseaux finissent par se rallier à leur cause. A la ville nouvelle, ils donnent le nom de Coucou-sur-Scène et nous assistons alors à la fondation de la plus illustre cité céleste.

Venez à moi, mes compagnons ailés,
Qui voltigez, chantez et babillés!
Vous picorez les sillons labourés.
Vous taquinez les fruits dans les vergers
Tio tio tio tio tio tio tio tio

Alfredo Arias a traduit, adapté et mis en scène le texte d’Aristophane. S’il a pris des libertés avec la forme et a donné sa propre version du texte, il est néanmoins resté fidèle à la trame d’origine. La pièce parle de la fondation d’une utopie par des hommes voulant fuir une société qui leur paraît injuste. Ils veulent rejoindre les oiseaux et changer le monde. Une utopie vouée à l’échec car l’exercice du pouvoir est toujours le même ainsi que les pièges rencontrés par ceux qui l’exercent. Derrière la comédie donc, un regard amer sur la société, tous les hommes qui défilent dans la pièce sont des canailles, des imposteurs ou des idiots.

Epopopoï popoï, popopopoï popoï
Yo yo ito ito

Alfredo Arias a fait le choix de dépouiller le texte de tout ce qui faisait allusion à l’époque à laquelle il a été écrit. C’est un choix. Il aurait pu laisser au « classique » sa part de « classique » et le présenter comme un document sur la manière de penser cinq siècles avant Jésus-Christ, ou remplacer les références à des personnages connus de l’époque par des références à des personnages contemporains, ce qui me semble toutefois une démarche relativement hasardeuse, il aurait pu faire ceci ou même cela, mais toujours est-il que son choix a le mérite de rendre la fable parfaitement accessible sans pour autant trahir son propos ni sa puissance comique. Les Oiseaux est avant tout une comédie, un divertissement, et en cela la mise en scène d’Alfredo Arias tient largement ses promesses. Devant la façade de la Comédie-Française, Place Colette, les comédiens, impeccables, décontractés, bien dans leurs plumes, chantent, dansent et nous offrent un beau spectacle, drôle et poétique.

Dans les cyprès qui ombragent les tombes
Dans les rameaux touffus qui les surplombent
Votre harmonie apaise la douleur
Mêlant d’espoir les plus sombres malheurs.
Trioto trioto totobrix

Les Oiseaux
De : Aristophane
Traduction, adaptation et mise en scène : Alfredo Arias
Avec : Catherine Salviat, Véronique Vella, Sylvie Bergé, Céline Samie, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Hervé Pierre, Gilles David, Félicien Juttner, Renaud Triffault, et les élèves comédiens de la Comédie-Française Armelle Abibou, Antoine Formica, Marion Lambert, Samuel Martin, Ariane Pawin, François Praud
Scénographie : Roberto Platé, assisté de Charlotte Maurel
Costumes : Françoise Tournafond
Lumières : Jacques Rouveyrollis, assisté de Jessica Duclos
Musique originale : Bruno Coulais avec la participation exceptionnelle d’Emily Loizeau
Coordination musique : Anne Coulais
Direction du chant : Raoul Duflot-Verez
Maquillages : Suzanne Pisteur
Collaboration artistique : Amaya Lainez
Assistante à la mise en scène : Stéphanie Risac

Du 20 septembre au 15 décembre 2010

Comédie-Française
Place Colette, 75 001 Paris
www.comedie-francaise.fr


Voir aussi
L’article de Monique Lancri

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