Critiques // « Les Mauvaises » de Martine Thinières au Théâtre du Ranelagh

« Les Mauvaises » de Martine Thinières au Théâtre du Ranelagh

Déc 03, 2010 | Aucun commentaire sur « Les Mauvaises » de Martine Thinières au Théâtre du Ranelagh

Critique d’Ottavia Locchi

SOS Instruments maltraités !

Elles sont mauvaises et elles le savent. L’une bégaye dans un attirail évoquant de loin un cygne disgracieux, et l’autre nous raconte des anecdotes toute raide et exaltée. Bonjour la catastrophe. Leur « éloge du ratage » est certes une réussite, car leur rôles respectifs nous offrent une espèce de parodie de potentielles musiciennes cultivées. Ici, tout est inversé : culture rime avec confiture et les jeux de mots douteux sur les musiciens et leurs œuvres ne se font pas prier pour cavaler entre deux morceaux de violoncelle.

Leurs personnages sont agaçants au possible, tant et si bien qu’on finit par ne plus comprendre ce qu’elles essayent de nous dire. Les jeux de mots fusent («gens bons de Paris») et frisent l’absurde pour arriver directement au lourd, épais, graveleux voire lamentable. Quand elles se mettent à jouer, c’est pire encore. Encore aurait-il fallut qu’elles s’accordent, peut-être aurions eu nos oreilles épargnées par les grincements et dissonances involontaires dus à leur lacunes manifestes.

Dès lors, leur « éloge du ratage » apparaît comme une justification de leur médiocrité. Incapables d’aligner deux notes ou de faire vibrer leur instrument, la théâtralité balourde contribue à cette joviale débandade.

La musique pour les nuls

Elles se disent petites filles de Florence Foster Jenkins, chanteuse se voulant lyrique du siècle dernier rapidement adulée à cause de son manque de capacité à chanter correctement. Le parallèle n’est pas faux, et, hélas, pas agréable. Je ne vais pas vous faire la leçon de comment tenir correctement un violoncelle, mais j’aurais au moins aimé, tant qu’à faire, entendre des morceaux joués correctement. Que leur niveau soit faible est une chose, mais présenter des œuvres classiques jouées fausses est tout de même limite. Florence Foster Jenkins croyait dur comme fer à son talent, elle réalisait son rêve. Le fait de se comparer à elle montrerait qu’elles font exprès de jouer faux, de toute bonne foi ? Hélas, cette comparaison ne fait qu’excuser leur manque de niveau.

De plus, le spectacle manque cruellement de fil rouge. Pas d’histoire, seulement deux personnes qui exécutent des morceaux et racontent la musique à leur façon. On aurait presque dit une représentation de mister blague, en scène juste pour faire rire avec quelques phrases ! Quel intérêt ? Pourquoi ne pas jouer de leur statut de mauvaises ? Tout est au premier degré, ça ne décolle pas, et mêler la musique à ce cirque est une forme de profanation dont elles ne profitent même pas – comment le pourraient-elles avec leur niveau ? En toute bonne volonté elles tentent de s’accorder, d’interpréter. C’est une véritable épreuve pour les oreilles du public. Celui-ci, d’ailleurs indulgent, continue malgré tout d’essayer de sourire vainement aux jeux de mots interminables des deux cabotines. Et c’est parce qu’elles en font des tonnes qu’on s’esclaffe ! C’est tellement tarte et facile que personne ne résiste à ce genre d’humour. On pourrait même apprendre des choses car ce qu’elles disent est intéressant, mais là où la culture arrive, le grotesque accourt. Le fait que Bach ait eu vingt enfants passe inaperçu, ainsi que d’autres révélations. On ne peut plus distinguer le vrai du faux et Offenbach se promène avec sa « Belle Haleine ».

Il faut parfois savoir dire oui au décalage, à la moquerie, au sarcasme et aux jeux de mots. Les deux comédiennes déforment, décapent et ça pourrait être drôle. Mais il faut aussi parfois savoir dire non au ratage excessif et trop balourd. Là où il y avait matière à dézinguer, les mauvaises l’ont raté et sont tombées en plein dans un ridicule qui n’était pas forcément mérité.
On dirait que Les Mauvaises ignorent qu’elles le sont vraiment.

Les Mauvaises
D’après : Martine Thinières (Ed. l’Harmattan, 2010)
Mise en scène et interprétation : Marianne Pichon et Martine Thinières

Lumières : Stéphane Vérité
Costumes : Steen Halbro

Du 25 novembre 2010 au 2 janvier 2011

Théâtre le Ranelagh
5 rue des Vignes, 75 016 Paris
www.theatre-ranelagh.com

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