Critique de Denis Sanglard –
J’ai tout entendu, pas sûr d’avoir tout compris… Mais j’ai beaucoup aimé.
Amis de la loufoquerie ce spectacle est pour vous. Une création de « Grand magasin » qui a fait vœux de faire du théâtre avec trois fois rien. Et comme disait feu Devos trois fois rien c’est déjà beaucoup. Et là, c’est énorme. Héritiers de Tati et consorts trois complices flegmatiques s’attaquent aux embûches de la communication, révélant par là même combien cette assertion, la communication susdite, est un non sens absolu. Sur un plateau transformé en laboratoire sonore nos trois conférenciers occasionnels se débattent avec le sujet même de leur conférence.
© Bernard Prévost
Un premier axiome et pas des moindres : j’ai tout entendu et j’ai tout compris, je n’ai rien entendu et je n’ai rien compris, j’ai tout entendu et je n’ai rien compris, je n’ai rien entendu et j’ai tout compris, sert de fil rouge. Cela va vite se compliquer, au premier axiome s’ajoutant un second : j’ai aimé, pas aimé, moyennement aimé. Ce dernier ajouté et combiné au premier (soit 27 possibilités) sera même l’occasion d’une chorégraphie surprenante. Dans Les déplacements du problème rien ne se passe jamais comme prévu. Les embûches se multiplient. Les objets leur échappent, s’emballent. Micros contradicteurs ou émetteurs de doute, mal réglés ou en panne, écho négatif (magnifique trouvaille d’absurdité), bruit d’aspirateur, de marteau piqueur, tapis absorbeur de son, bulle d’inattention…Quand ce ne sont pas les interlocuteurs eux-mêmes qui déjà confrontés à cet espace hostile ont quelques difficultés de communication. Ainsi parler japonais devient facile, surtout en français. Mais imperturbables nos trois comparses tentent vaille que vaille de continuer leur exposé.
© Bernard Prévost
Au spectateur d’être toute ouïe… et de reconstituer les manques, les trous. Pascale Murtin, Bettina Atala et François Hiffler, avec la complicité sonore de Manuel Coursin et de l’IRCAM, sont d’une inventivité délicieusement loufoque. Ils démontrent avec une rigueur implacable jusqu’à l’absurde combien la technologie sensée faciliter la communication devient très vite une merveille de torture contemporaine et d’incommunicabilité. C’est très retors, juste et surtout très drôle. Bref un spectacle auquel nous aurions tord de faire la sourde oreille.
Les déplacements du problème
Par : Grand Magasin
Prépation et exécution : Pascale Murtin, Bettina Atala, François Hiffler
Avec l’aide de : Manuel Coursin
Et pour la réalisation informatique musicale IRCAM : Christophe MazzellaDu 14 au 31 octobre 2010
Théâtre de la Cité Internationale
17 bd Jourdan, 75 014 Paris
www.theatredelacite.com