Critiques // Critique • « Les Chaises » de Ionesco mis en scène par Philippe Adrien au Théâtre de la Tempête

Critique • « Les Chaises » de Ionesco mis en scène par Philippe Adrien au Théâtre de la Tempête

Oct 19, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Les Chaises » de Ionesco mis en scène par Philippe Adrien au Théâtre de la Tempête

Critique de Audren Destin

Oui, peut-être y a-t-il eu des jours heureux, mais tout fout le camp : le jour, la lumière, la nuit, la mémoire et le reste avec… C’est de ce constat qu’il faut partir pour saisir l’enjeu des Chaises de Ionesco. C’est l’histoire d’un couple de vieux qui organise une célébration à laquelle un orateur doit venir. Défile alors tout un tas d’invités venus rendre hommage au vieux et pour lesquels sont installées des chaises. Chaises vides pour des invités imaginaires. Chaises empilées puis disposées en cercle autour d’un orateur qu’on attend et qui n’arrivera qu’à la fin. Et dans ce vide, au milieu de ces chaises, les deux vieux qui se trainent et se désagrègent.

© Brigitte Pons

Ce dont il s’agit ici à travers les dialogues sans queue ni tête, à travers la banalité des propos échangés, à travers les oublis et les répétitions, à travers la tendresse de ce couple qui semble tout droit sorti de l’asile, c’est le sort commun des êtres humains, la décrépitude, l’oubli et la mort. La sentence est terrible, implacable, et pourtant ici le pathétique côtoie l’humour et la dérision. On peut appeler cela le théâtre de l’absurde, Ionesco préférait le terme d’insolite. Cela revient à regarder le monde en se tenant à distance, en se replongeant dans un état d’étonnement. Lorsque les sons et les mots ne font plus sens. Etat proche de la folie où l’euphorie se mêle à l’angoisse.

© Brigitte Pons

Pour cette mise en scène, Philippe Adrien collabore à nouveau avec la compagnie du Troisième Œil. Cette compagnie, fondé par Bruno Netter quelques années après qu’il soit devenu aveugle, a la particularité d’être composée à la fois d’artistes valides et handicapés. Dans cette pièce, Bruno Netter incarne l’orateur, Alexis Rangheard le vieux, et Monica Companys, qui est sourde, la compagne du vieux. Sa performance est d’ailleurs remarquable et je dois dire que c’est seulement après le spectacle que j’ai appris qu’elle était sourde. La mise en scène restitue avec beaucoup de justesse et de simplicité le texte de Ionesco. Ce couple de vieillard au teint cendreux semble être les derniers rescapés d’un monde disparu et tournent en rond sous la lumière terne d’une unique ampoule. Il y a une tension constante entre le misérable, le sordide et le comique de l’absurde. La fumée parfois envahit la pièce et les recouvre presque entièrement. Mais c’est finalement de leur propre chef qu’ils finiront par s’en aller par la petite lucarne. Certes on peut se sentir déconcerté devant ce type de texte mais derrière son apparent non-sens, il nous livre une parole désespérée drôle et poétique.

Les Chaises
De
: Eugène Ionesco
Mise en scène
: Philippe Adrien
Avec
: Monica  Companys, Bruno Netter, Alexis Rangheard
Scénographie
: Gérard Didier
Lumières
: Pascal Sautelet
Costumes
: Hanna Sjödin
Musique
: Stéphanie Gibert
Collaboration artistique
: Clément Poirée
Régie générale
: Agostinho Faria
Régie son
: Christophe Lourdais

Du 15 octobre au 5 novembre 2011
Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h30

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie de Vincennes

Route du Champ-de-Manœuvre, Paris 12e
Réservation 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.