ƒƒƒ Lecture Bruno Deslot
Jean-Pierre Siméon, poète associé au Centre dramatique national de Reims, de 1999 à 2004, a produit plusieurs textes pour le théâtre qui viennent de paraître dans la collection « Œuvres choisies » des Solitaires Intempestifs.
Le livre débute par un premier texte de l’auteur, le fameux Stabat Mater Furiosa créé en 1999 à la Comédie de Reims par Gisèle Torterolo dont le succès fut une consécration. L’ouvrage rassemble d’autres textes créés par Christian Schiaretti comme D’entre les morts ou Sermons joyeux créé par Jacques Bonnaffé à Lille. Au total, six textes (Stabat Mater furiosa, Soliloques, D’entre les morts, Le Petit Ordinaire, La Lune des pauvres, Sermons joyeux) faisant l’éloge du verbe, dans sa forme la plus noble, pour s’offrir au plateau et que l’auteur nomme une « poésie de théâtre ». L’œuvre de Jean-Pierre Siméon est essentiellement poétique. Il se lance parfois dans une rêverie surréaliste, préférant la puissance évocatrice des mots et la force des images invoquées, au sens qu’on leur donne. A ce titre, il revendique l’influence des poètes surréalistes Paul Eluard et Andrée Chédid. Sa poésie est caractérisée par la force de ses métaphores, le rythme musical de ses vers, la force et le nombre très important d’images, la recherche sur les mots…
Un hymne à la vie éternellement sereine…
Le Stabat Mater Furiosa est un bel exemple de la force évocatrice des mots du poète charriant toute l’émotion d’une langue riche et puissante pour dire avec simplicité l’horreur ! Dans ce long poème, une femme échafaude l’édifice de son refus face aux restes mortifiés d’une société ravagée par la guerre. L’homme de guerre s’impose comme un adversaire redoutable, tant sa cruauté s’évertue à accomplir les pires exactions. Seule, éprouvée de douleur et dévastée par les horreurs d’un quotidien sanglant, cette femme pousse un cri vers la vie, celle de ses enfants qui ne tarderont pas à manipuler le fusil sur un vaste champ de bataille. Le cri de cette femme est celui de toutes les femmes qui ont à l’esprit que la vie est aussi synonyme de mort et qu’il n’y a pas d’explication à cela. Soliloques est une autre tentative pour écrire la pauvreté et puisqu’il s’agit de théâtre, pour l’incarner ! Pour le poète, il ne s’agit pas de parler des pauvres mais d’essayer de dire de l’intérieur, l’Autre, l’Exclu…au travers cinq moments, cinq instantanés, le verbe de Siméon est à l’opposé du constat impuissant, de la tranche de vie misérabiliste. Ces temps forts s’imposent comme un souffle, une énergie puissante, charriant une fureur tonique et salutaire. Le Petit Ordinaire est presque construit comme une couronne mortuaire. La première et la dernière image qu’offre ce texte, semble être la même, cycle de l’horreur ordinaire, quotidienne. C’est une invitation au frisson.
Le théâtre de Jean-Pierre Siméon est une invitation au voyage parce qu’il explore, par le verbe, l’ineffable. La puissance évocatrice d’un vocabulaire choisi est à couper le souffle et provoque l’émotion au-delà des thèmes qu’il aborde avec autant d’intérêt. Les « Œuvres Choisies » de Jean-Pierre Siméon que viennent de publier les Solitaires Intempestifs est un puissant détonateur pour les amateurs d’un théâtre riche, fouillé et aussi intelligent.
Jean-Pierre Siméon
Théâtre
1999-2004
De Jean-Pierre Siméon
Editions Les Solitaires Intempestifs
1 rue Gay Lussac 25 000 Besançon
384 pages – 23 euros