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Lecture ・ Cendres 1986-1999 de Rodrigo Garcià, Les Solitaires intempestifs

Jan 23, 2014 | Aucun commentaire sur Lecture ・ Cendres 1986-1999 de Rodrigo Garcià, Les Solitaires intempestifs

 ƒƒƒ Article Dashiell Donello

cendres-1986-1999

Une fois dans un livre‚ ces textes ont quelque chose d’étrange. Ils ont vécu‚ ils ont brûlé au théâtre. À présent‚ les voilà entassés dans un volume comme s’il s’agissait d’un sac rempli de cendres. Rodrigo Garcia

Oui. Ce quelque chose de je ne sais quoi d’étrange, est peut-être le malaise d’une civilisation  de plus en plus individualiste ? Les pages brûlent autant ce qu’elles adorent que ce qu’elles décrivent, car in fine se sont les mêmes qu’on effeuille sur un livre qui n’a plus rien d’intime. Seul le théâtre peut brûler à la bûche collective du vivant. Le livre Cendres ne serait-il pour Rodrigo Garcià qu’une mue dans un sac en attente de renaissance ? Un nouveau Noé qui ferait peau neuve dans un déluge de Coca et de fripes tachées de Ketchup ?

La TRAGÉDIE commence dans le monde industrialisé. Rodrigo Garcià

Faut-il encore chercher les us et coutumes du monde, si c’est pour les mettre dans des bocaux de formol ? Vanter l’importance d’un théâtre populaire (existe-t-il vraiment ?) ; si c’est pour le jeter en pâture à des chercheurs d’art en quête d’un résultat artistique rémunérateur ? Faut-il aller si loin de soi pour se voir trahi par une  « haute culture » de salon ?

Rodrigo Garcià dit ceci :

J‘aime ramener les choses mal faites, des choses de peu, parfois sinistres, menaçantes. Ne pas triompher m’intéresse beaucoup, c’est le contraire qui selon moi est affreux. 

Dans cette société du 21ème siècle, les décideurs de la culture cherchent, comme des ouvriers de la propreté, à aseptiser un théâtre qui semble être passé entre les mains d’un chirurgien esthétique. Nous sommes loin de la beauté Baudelairienne ; et nous sommes toujours empêchés de marcher. C’est bien  un monstre consumériste,  que le théâtre de Garcià dénonce. Pis encore l’homme de théâtre doit composer, avec une société de globalisation, là où son espace vital est de plus en plus envahi par une élite qui se bouscule autour d’un buffet de première. La désillusion est totale. Alors que faire avec la contradiction d’un système qui compte de plus en plus d’administration et de moins en moins d’artistique ? Comment soigner ce mal viral de la société Mac-Do ? De ce cancer banquier, de la télé réalité et de ces « stars » éphémères ? Est-ce que le théâtre, Cassandre intemporelle, peut encore être un outil réparateur, s’il ne démontre pas la violence par la violence ? A-t-il les moyens de lutter contre la messe du journal télévisé, quand l’horreur profite aux marchands d’armes et à la mal bouffe ? À l’évidence non. C’est pour cela que Rodrigo Garcià est un homme de théâtre indispensable aujourd’hui. Il n’a pas peur de remuer la boue pour mieux exhaler la pourriture du monde. Garcià doit être compris pour ce qu’il est, ce Tirésias moderne lit, dans la cendre du feu qu’il a créé, et fait des signes, comme Artaud, à travers l’éphémère de la flamme. Il compose le temps dans la combustion d’un feu créatif, en ligne directe avec son temps.

Cendres 1986-1999 est un livre composé de trois inédits. Horloge, Boucher espagnol, et Chers petits anges. Les autres qui suivent, ont été joués, comme Prometeo, où il est question de : comment un crime peut devenir un acte poétique et non un délire, un accès de folie, une vengeance ?De Notes de cuisine qui va être une fête du feu de Dieu avec Bush‚ Aznar‚ Tony Blair‚ Chirac. Tous sur les gradins d’un stade.  Du Roi Lear ; où personne ne pense à ce qui l’a conduit à trébucher dans la rue. Des baisers tendres, avides des baisers, bien baveux de : vous êtes tous des fils de pute. Du fait qu’il Fallait rester chez vous têtes de nœud, car il manque toujours quelque chose.  Et (que) pour combler ce manque‚ on a inventé l’argent. Enfin, faut-il être ou ne pas être Maradona ? Et L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions. Tout est dit dans ce dernier titre.

Rodrigo Garcià vient d’être nommé en janvier 2014 au CDN de Montpellier et du Languedoc-Roussillon, il propose d’en faire  le lieu de convergence de la création dramatique contemporaine. Il s’appuie pour cela sur un ensemble artistique composé de comédiens, de collaborateurs-créateurs que sont ses partenaires internationaux avec qui il a l’habitude de travailler, d’un laboratoire de recherche en lien avec l’université et d’un département de création numérique qu’il installera au sein du centre dramatique.

Nous lui souhaitons bonne chance et surtout qu’il puisse mener à bien son projet.

Cendres (1986-1999)
Rodrigo Garcià

Éditions Les Solitaires Intempestifs
1 Rue Gay Lussac
25000 Besançon

http://www.solitairesintempestifs.com/livres

 

 

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