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Lecture. « Cultivez votre tempête » d’Olivier Py Actes Sud-Papiers

Juin 24, 2012 | Aucun commentaire sur Lecture. « Cultivez votre tempête » d’Olivier Py Actes Sud-Papiers

Lecture de Dashiell Donello

De l’art, de l’éducation, du politique, de l’universalisme


© DR

Quand un imbécile met en disgrâce un homme de l’art, le malheur de l’artiste est bon et cela pour deux raisons. La première, dans son action ridicule, l’imbécile fait de la culture sans le savoir, en donnant une portée créative à l’éclipse d’un astre bien plus grand que lui. En virant Olivier Py, le politique a remis le poète dans la multitude universelle et l’a affranchi d’un poste d’artiste d’état qui l’étouffait d’ors apocryphes et d’administration ; en lieu et place de l’entrée des artistes. En 2013, Olivier Py sera à Avignon dans la lignée Vilardienne et c’est heureux pour la culture.

La seconde, il excite l’intelligence de l’exclu qui – l’aurait-il fait autrement ?-, édite un manifeste d’une telle force poétique, politique et mystique qu’il renait de ses cendres à peine refroidies, en Phénix de cabaret, pour persifler le petit ministre de la culture aux Weston trop grandes pour lui. Car on pourrait dire aussi que la culture cela commence quand on se divise sur le choix d’une paire de Weston ou d’une paire de Converse. On sait qu’en ces querelles la culture du politique diffère grandement de celle du poète. Vous avez deviné, off course, qui porte quoi.

« Tout ce qui peut être fait deux fois est sans valeur »

« CULTIVEZ VOTRE TEMPÊTE » est un livre qui s’écrit comme une trinité : de l’art, de l’éducation, et du politique. En quelque sorte une réelle proposition civique et sociale. Dont le politique ferait bien de s’inspirer.

En chantre de la Deus Machina de la culture, Olivier Py fait, de l’art, de l’éducation, de la politique, une parole universaliste sur la scène du monde et conjugue le verbe combattre – la misère culturelle – à tous les temps. La consommation est la peste de l’art. On en oublierait presque qu’on ne consomme pas un arc-en-ciel, mais que l’on s’élève vers lui d’un simple regard. Voici trois textes plus un dernier inédit qu’on ne fera pas deux fois sous peine qu’ils soient sans valeur.

Le texte « De l’art » se lit comme un poème de Rimbaud avec la conviction d’un Artaud. Le poème est son arme chargée à balles de mots. A la césure de la beauté Olivier Py nous dit : « (…) l’histoire mourante ne meurt pas, l’inconscient des peuples chante encore, peu moral l’enfant qui naît ne sait pas Auschwitz ».

Bien que la démocratie soit autre chose que la dictature de la majorité et que le pétrole du CAC 40 est un produit putride qui blesse nos océans dans la symbolique de la course au profit ; le marché de l’art y est, comme les autres marchés, une prostitution des symboles, nous dit Olivier Py semblable à un prophète de la prose. C’est ainsi que le politique prostitue la culture à coup de finance obscène. Alors Olivier Py pose cette question comme un coup de tonnerre dans la sébile du silence : « A l’heure où l’art est religion officielle, quelle plus haute dignité pourrait-on briguer que d’être artiste ? ».

Pour aller vers l’ère culturelle, il faut que le politique prenne conscience d’un autre rapport au monde et qu’il sorte de l’ère de la finance. Car nous sommes tous égaux dans la misère culturelle, nous dit encore Olivier Py. Culture et éducation étant deux concepts inhérents à tous les liens possibles. Donc, voici un slogan éclairé souvent revendiqué, mais jamais réalisé : entrons dans l’ère de la culture !

DANS LE CIEL ÉTOILÉ DE L’UNIVERSALISME

Qui a enseigné le théâtre dans les écoles, sait que la parole et le vocabulaire sont la source de tout progrès. La parole libère l’enfant, le rend créatif. Combien d’écoliers condamnés à l’orientation après la sixième ont continué leurs études grâce à des comédiennes et comédiens  qui allaient dans les écoles initier des élèves à la langue de Molière, Shakespeare, Racine, Tchekhov, Claudel, Koltès, Beckett… et bien d’autres encore.  Ce dont parle Olivier Py c’est de l’universalisme culturel. Il veut rompre avec le silence de l’exclusion, de l’échec et de la standardisation d’une culture de super marché. Il faut sublimer son destin, crier dans le ciel d’un vrai espoir d’être soi-même. Il y a en plus de la lecture de Kant un peu de Peer Gynt et du film Stalker  d’Andreï Tarkovski, dans cette culture Pyenne : la recherche du vœu profond de l’artiste dans l’œil de la tempête.

Mais une autre dépendance plus sournoise doit être combattue, la tourmente du virtuel sur le PC guerrier qui déboussole des enfants trop fragiles.  Alors que la révolution théâtrale n’a jamais régressé pour la bonne raison que sa modernité coule dans les veines des vivants de l’instant présent. Nous irons sur les chemins de la connaissance par soi et par le monde en étant simplement là ; par la transmission de la culture, dans une course de relais, où nous tous seront victorieux.

Cultivez votre tempête et récoltez le vent de votre histoire semble nous dire Olivier Py dans ce remarquable essai sur l’art et la vie.

Écrivain, metteur en scène et comédien, Olivier Py monte ses propres pièces depuis 1988 avec sa compagnie, L’Inconvénient des boutures. Directeur du CDN d’Orléans-Loiret‑Centre de 1998 à 2007, il a aussi mis en scène de nombreuses pièces (dont l’intégrale du Soulier de satin de Paul Claudel en 2003) ainsi que des opéras, partout en Europe. Il a dirigé l’Odéon‑Théâtre de l’Europe à Paris pendant cinq ans et a été nommé directeur du Festival d’Avignon à partir de 2013.

Cultivez votre tempête
D’Olivier Py
Actes Sud-papiers
18 rue Séguier, 75006 Paris
www.actes-sud.fr

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