Critiques // « Le Tour de Chant de Monsieur Pantalone » à l’Epée de Bois

« Le Tour de Chant de Monsieur Pantalone » à l’Epée de Bois

Mai 05, 2011 | Aucun commentaire sur « Le Tour de Chant de Monsieur Pantalone » à l’Epée de Bois

Critique de Dashiell Donello

Le Collectif Masques présente, dans le cadre du festival Mai des Masques, « Le tour de chant de Monsieur Pantalone » au Théâtre de l’Epée de Bois

La commedia dell’arte (théâtre interprété par des gens de l’art) est un genre de théâtre populaire italien. C’est un dramaturge vénitien du XVIe siècle, Angelo Beolco, dit Ruzzante, qui serait le vrai père de la commedia dell’arte. Monsieur Pantalone est un des nombreux personnages de ce théâtre masqué. C’est un vieux marchand, souvent riche et estimé de la noblesse. Mario Gonzalez, interprète inoubliable de Marcel Pantalone dans « L’âge d’or » d’Ariane Mnouchkine, a recréé aujourd’hui un Pantalone contemporain et chanteur. Il a délaissé sa longue houppelande et sa culotte rouge pour un costume à longue veste noire. Mario Gonzalez n’aime pas la tradition, il préfère l’inventer, en faire sa propre vision, et avoir le choix de sa liberté. L’histoire, c’est référentiel, il ne faut pas la prendre au pied de la lettre, dit-il dans un film documentaire sur son travail de pédagogue au conservatoire de Paris.

Les cloches sonnent. Le rideau rouge a des contractions. Va-t-il engendrer un personnage ? Onomatopées, cris, raclement de gorge, respiration suivie d’un son grommelé. Une main. Une autre. Une tête. Un Masque. Un Corps. C’est lui ! Monsieur Pantalone. Ce personnage légendaire est devant nous. Il vit au présent. Ce n’est pas un mort. Il guette le moindre geste du public sa substance. Il se mire dans ce miroir d’âmes pour se transcender. Etre regardé pour donner son regard de l’instant. Un clin d’œil et voilà l’improvisation en marche. C’est déjà un spectacle à le voir déambuler, comme un funambule sur son fil. Le masque se fait théâtre. C’est la fête. Cette représentation n’est que pour nous. Nos réactions sont le moteur du jeu du comédien masqué. Nous jouons avec lui. Le metteur en scène, Hacid Bouabaya, est présent (à la façon du metteur en scène polonais Tadeusz Kantor 1915-1990) comme pour éviter tous les débordements d’un Monsieur Pantalon malicieux. Mais cela nous déconcentre, et rompt l’intimité plaisante que nous avons avec Monsieur Pantalone. Il n’a pas besoin d’un garant des règles. Il est la règle. Le voilà qu’il entonne son tour de chant par « Granada » de Agustin Lara. Un moment drôle et émouvant. Car, ce Monsieur Pantalone n’a pas ici, le caractère qu’on lui connaît habituellement : avare et libertin, arborant une grosse braguette sensée montrer une virilité qui appartient au passé. Un thermos a remplacé l’appendice sexuel et le jeu de Mario Gonzalez fait mourir de rire les spectateurs aux anges. Et maintenant que va-t-il faire ? De tout ce temps ? Chanter : du Piaf, du Brassens, du Bécaud et bien d’autres. Peut-être un peu trop systématiquement. C’est dommage, car il sait tout jouer. La nostalgie, la ruse, l’impatience, la naïveté, etc. Il connaît chaque état du personnage et en use avec précision. Un canevas plus développé nous aurait comblé. Même si la soirée fut belle et les retrouvailles, avec Mario Gonzalez, remarquables. On reste un peu sur notre faim de théâtre. Les cloches sonnent de nouveau. Monsieur Pantalone n’a pas terminé sa dernière chanson. Le régisseur était-il pressé ?

Le Tour de Chant de Monsieur Pantalone
Mise en scène : Hacid Bouabaya
Avec : Mario Gonzalez
Pianiste : Jean-Luc Priano
Masques : Erhard Stieffel
Costume : Sylvie Berthou : Emmanuelle Ballon
Lumières : Jean Grison
Direction musicale : Claire Pueyo

Du 3 au 5 mai 2011
Dans le cadre du festival
Mai des Masques

Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75 012 Paris – Réservations 01 48 08 39 74
www.epeedebois.com

www.collectifmasque.com

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