Critiques // « Le Printemps» chorégraphie de Mark Tompkins à La Parole Errante de Montreuil

« Le Printemps» chorégraphie de Mark Tompkins à La Parole Errante de Montreuil

Mai 22, 2015 | Commentaires fermés sur « Le Printemps» chorégraphie de Mark Tompkins à La Parole Errante de Montreuil

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

url © Gilles Toutevoix

Ce sont des guerrières, vêtues de fringues violemment colorées, ou de tenues de foot masculines qu’elles s’approprient, détournent avec ironie, juchées parfois sur des talons démesurés qui leur tordent les chevilles. Ce sont des guerrières venues d’Orient et qui s’affranchissent des diktats, de l’oppression masculine qui les enferment dans cette prison de voiles noirs, la burqa. Une burqa qui fait son apparition dans une courte et rapide scène décalée où deux femmes, fantômes noirs, dansent avant d’esquisser un combat de karaté et de disparaître. Voilées, elles le sont mais dans des étoffes multicolores, bariolées et kitch dont elles se jouent et s’affranchissent. Les voiles tomberont lors d’une danse soufi, devenue danse des sept voiles, qui voit cette nouvelle Salomé tourner comme un derviche, jeter ses corolles fleuries qui l’enserrent, révéler son corps dans sa nudité, ivre de liberté, ivre de danse, jusqu’à tomber. Scène magnifique et surprenante qui pourrait résumer cette nouvelle création de Mark Tompkins où il s’agit avant tout de dévoilement. Ces femmes se mettent à nu au sens propre comme au sens figuré. C’est un geste fort, violent, de réappropriation de soi, loin de toutes contraintes morales, sociales, religieuses, sexuelles, regroupées en un même faisceau. Et toutes ces couleurs chatoyantes, vives, claquantes dont elles se revêtent, qu’elles empilent jusqu’à déformer leurs corps,ce sont les étendards d’une liberté assumée et fragile, opposés au noir uniforme d’une burqa qui signe leur aliénation. Tout ceci n’est pas sans faire penser étrangement au travail de la photographe Shadi Ghadirian ou la plasticienne Sara Rabhar, toutes deux iraniennes. C’est une création politique, féministe, empreinte de gravité mais, comme toujours avec Mark Tompkins, poétique et décalée, drôle. Qui s’empare de nos clichés orientalistes tenaces pour se les réapproprier et les confronter à la réaliténue. Que ce soit un pèlerinage à la Mecque ou la vision sensuelle d’un harem, la couleur envahit tout, éclabousse tout, déborde, comme un signe de changement, une réappropriation et métamorphose l’ensemble pour mieux le dézinguer. C’est retors et très malin. Les corps aussi n’y échappent pas soumis bientôt à un « transformisme ». A l’exception d’un strip-tease ou l’essai de talons vertigineux, le corps se virilise par l’appropriation des symboles masculins que sont justement les survêtements et les tenues de foot dont elles s’emparent, qui les caparaçonnent, et finit par les modéliser, leur donner un nouveau genre, signe de leur résistance affirmée et de leur égalité revendiquée.

Le Printemps
Conception Jean-Louis Badet et Mark Tompkins
Direction artistique Mark Tompkins
Création musicale, chant, oud KamyliaJubran
Scénographie et costume Jean-Louis Badet
Création Lumières Séverine Rième
Interprétation KamyliaJubran, Silvia Di Rienzo, Anna Gaïotti, Ananda Montange

18 et 19 mai 2015, 21h

La Parole Errante
9, rue François Debergue – 93100 Montreuil
Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis
Renseignements et réservations 01 55 82 08 01
www.rencontreschoregraphiques.com
reservations@rencontreschoregraphiques.com

Be Sociable, Share!

comment closed