Critique de Denis Sanglard –
Ô solitude
Un Petit Chaperon Rouge esseulé, une mère débordée, une grand-mère fatiguée, un loup affamé, un conteur, deux chaises… Le petit chaperon rouge mis en scène par Joël Pommerat est une merveille de simplicité. Il y a bien sûr le conte de Perrault mais ce qui ce narre là, sur ce plateau nu, c’est avant tout une histoire de grande solitude. Celle d’une mère qui n’a plus de temps pour son enfant, celle d’une enfant qui en a trop, de temps, et d’une aïeule à qui le temps est compté. Trois générations de femmes seules à leur manière et qui n‘arrivent pas à communiquer à l‘image de la mère chez la grand-mère, assises toutes deux et se taisant… Et puis ce qui doit arriver quand libre enfin, on se confronte au danger qui dehors gronde, aux interdits posés, que l‘on affronte ses peurs.
© Elisabeth Carecchio
Loup y es tu ?
Joël Pommerat réussit ce miracle, avec trois fois rien, d’insuffler à ce conte une atmosphère ambivalente entre petit bonheur et grande angoisse. Si l’on joue à se faire peur, bientôt la peur n’est plus un jeu. Il y a loin de la mère contrefaisant le monstre pour sa fille lors de leur trop rare moment de jeu au danger réel qui rôde dans la forêt. Mais ce danger tapi, latent, est renforcé par des instants merveilleux et d’une beauté confondante. La ballade du Petit Chaperon Rouge dans la forêt , cette toute première échappée, où elle danse et joue avec son ombre ne donne que plus de poids à sa rencontre avec la bête.
© Elisabeth Carecchio
Réalisme
Pour ce faire, pas d’effet granguignolesque mais une ambiance sonore à vous donner la chair de poule aux instants les plus tendus. Tel le loup qui, avant même d’être vu, est annoncé par un souffle rauque qui lentement semble pétrifier la forêt. Et nous avec. Et des éclairages comme toujours avec Joël Pommerat qui dessinent l’espace nu du plateau et crée une atmosphère entre chien et loup propice aux peurs enfantines. Les personnages sortent de l’ombre, y retournent, comme surgis de nulle part. En privilégiant également un réalisme dépouillé, loin de toute naïveté ou de folklore, à l’image très réussie du loup , figure centrale qui cristallise nos peurs, Joël Pommerat ancre le conte dans une réalité peut-être encore plus mystérieuse et inquiétante. La réussite de cette mise en scène, cette création se joue depuis 2005, tient sans doute à cette qualité rare d’avoir su intelligemment et volontairement rester à la hauteur des yeux de l‘enfant que fut Joël Pommerat. Et ceux qui sont restés de grands enfant éprouveront le même frisson que les mômes qui chaque soir accompagnent leur parents. Il était une fois…
Le Petit Chaperon Rouge
De : Joël Pommerat, d’après le conte populaire
Collaboration artistique : Philippe Carbonneaux
Scénographie et costumes : Marguerite Bordat
Scénographie et lumières : Eric Soyer
Accessoires : Thomas Ramon
Son : François Leymarie et Grégoire Leymarie
Avec : Ludovic Molière, Isabelle Rivoal, et en alternance Valérie Vinci, Saadia Bentaïeb, Murielle MartinelliDu 24 novembre au 26 décembre 2010
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon, 75 006 Paris
www.theatre-odeon.frReprise du 13 au 21 septembre 2011
Nouveau Théâtre de Montreuil – CDN
10 place Jean Jaurès, 93 100 Montreuil – Réservations 01 48 70 48 99
www.nouveau-theatre-montreuil.com