Paroles d'Auteurs // « Le Mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley

« Le Mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley

Jan 06, 2010 | Aucun commentaire sur « Le Mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley

Lecture de Denis Sanglard

Regards croisés sur « elle »

« Le mardi j’ai posé comme jour. Je ne sais pas bien pourquoi. C’est le jour où je viens pour faire tout ce qu’il ne fait pas. Tout ce qu’il laisse lentement filer. Je lui fais son ménage sa vaisselle sa lessive. Je range, je nettoie et j’aère. Il reste là à trop rien dire. Il me détaille. Il me suit d’une pièce à l’autre. Je fais comme si même si. Il dit Jean-Pierre. Bonjour Jean-Pierre. Non je lui dis. Marie-Pierre je lui dis. »

« Le mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley est un monologue créé récemment par Jean-Claude Dreyfus dans une mise en scène de Michel Didym lors de la Mousson d’été de 2008, puis à Théâtre Ouvert en novembre 2009 (voir ici). Texte remarquable dans la tenue de son écriture dramatique. Phrases simples et courtes, serrées, qui alternent avec d’autres plus longues, sans ponctuation à seule fin d’être rythmées, portées par le souffle de l’acteur. Des phrases sonnant justes pour une pensée qui s’enroule et se déploie sur un seul sujet, le regard porté sur l’autre. Car tous ils la regardent, Marie- Pierre. A commencer par son père qui ne peut se résoudre d’avoir perdu un fils. Et les autres, ceux qui à Monoprix le mardi la jugent, la jaugent ou ne peuvent simplement pas la regarder. Ou ne chercher que l’autre, celui d’avant Marie-Pierre, quand Marie-Pierre s’appelait Jean-Pierre. Il y aura bien un moment de grâce dans ce récit, une rencontre fortuite au retour du monoprix, si fugace mais si pleine de promesse et de démentis. La force de ce texte est de ne jamais tomber dans le pathos, travers qu’un tel sujet évite. Nous sommes dans la retenue constante. Celle de Marie-Pierre que le texte traduit sans emphase aucune. Juste des faits, de menues choses, des petits riens qu’un vocable volontairement restreint, pour ne pas dire banal, mais travaillé au plus juste traduit avec efficacité. Et c’est dans cette description clinique qu’apparaît toute la sensibilité du personnage, toute la cruauté du récit. Et ne dévoilons pas la fin, inattendue !

« Je suis comme je suis. Telle quelle et voilà. »

Le Mardi à Monoprix
suivi de Auteurs Vivants
D’Emmanuel Darley

Edition Actes Sud
18 rue Séguier, 75006 Paris

www.actes-sud.fr


Voir aussi :
La pièce Le Mardi à Monoprix

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