Critiques // « Le Mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley au Théâtre Ouvert

« Le Mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley au Théâtre Ouvert

Sep 21, 2010 | Aucun commentaire sur « Le Mardi à Monoprix » d’Emmanuel Darley au Théâtre Ouvert

Critique de Denis Sanglard

Je suis comme je suis. Telle quelle et voilà.

« Le mardi j’ai posé comme jour. Je ne sais pas bien pourquoi. C’est le jour où je viens pour faire tout ce qu’il ne fait pas. Tout ce qu’il laisse lentement filer. Je lui fais son ménage sa vaisselle sa lessive. Je range, je nettoie et j’aère.
Il reste là à trop rien dire. Il me détaille. Il me suit d’une pièce à l’autre. Je fais comme si même si.
Il dit Jean-Pierre.
Bonjour Jean-Pierre.
Non je lui dis.
Marie-Pierre je lui dis.
»

C’est un texte remarquable dans la tenue de son écriture dramatique. Phrases simples et courtes, serrées, alternant avec de longues, sans ponctuation  à seule fin d’être rythmées, portées par le souffle de l’acteur. Des phrases sonnant justes pour une pensée qui s’enroule et se déploie sur un seul sujet, le regard porté sur l’autre. Car tous ils la regardent, Marie-Pierre. A commencer par son père qui ne peut se résoudre d’avoir perdu un fils. Et les autres, ceux qui à Monoprix le mardi la jugent, la jaugent ou ne peuvent simplement pas la regarder. Ou ne chercher que l’autre, celui d’avant Marie-Pierre, quand Marie-Pierre s’appelait Jean-Pierre. Il y aura bien un moment de grâce dans ce récit, une rencontre fortuite au retour du monoprix, si fugace mais si pleine de promesse et de démentis. La force de ce texte est de ne jamais tomber dans le pathos, travers dans lequel un tel sujet pourrait tomber facilement. Nous sommes dans la retenue constante. Celle de Marie-Pierre que le texte traduit sans emphase aucune. Juste des faits, de menues choses, des petits riens qu’un vocable volontairement restreint, pour ne pas dire banal, mais travaillé au plus juste, traduit avec efficacité. Et c’est dans cette description clinique qu’apparaît toute la sensibilité du personnage, toute la cruauté du récit.

Dans cet exercice délicat l’ogre Dreyfus déploie des trésors de tendresse. Voix chuchotée qui soudain enfle quand tonne la voix du père. Un jeu d’une grande justesse, toujours sur le fil pour ne jamais tomber dans la vulgarité ou le voyeurisme. Jean-Claude Dreyfus, moderne onnagata, n’est pas plus travesti que son personnage. Il est Marie-Pierre, délicatement, avec évidence. C’est drôle et terriblement mélancolique. Jean Claude Dreyfus, il est belle.

Le Mardi à Monoprix
De
: Emmanuel Darley
Mise en scène : Michel Didym
Avec : Jean-Claude Dreyfus et Philippe Thibault (musique)
Lumière et scénographie : Olivier Irthum
Son : Pascal Flamme
Assistant à la mise en scène : Reynaldo Delattre

Du 7 septembre au 23 Octobre 2010

Théâtre Ouvert
Centre National des Dramaturgies Contemporaines
4 bis cité Véron, 75 018 Paris
www.theatre-ouvert.net

Reprise du 17 au 20 novembre 2011
au Théâtre de l’Ouest Parisien
1 place Bernard Palissy, 92 100 Boulogne-Billancourt – 01 46 03 60 44
www.top-bb.fr


Voir aussi :
L’article de Denis Sanglard à propos du livre
Le Mardi à Monoprix

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