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Critique • « Le Malade imaginaire » à la Comédie Française

Juil 08, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Le Malade imaginaire » à la Comédie Française

Critique de Bettina Jacquemin

Quand la magie du théâtre opère…

La Comédie Française met à l’honneur « Le Malade imaginaire ». La mise en scène de Claude Stratz fait la part belle à l’imposture de la médecine, une science et un discours décriés par Molière dans cette farce satirique de 1673. Les masques carnavalesques côtoient ici les compositions musicales de Marc-Olivier Dupin. Et, les comédiens du Français revêtent les collerettes médicales de Messieurs Diafoirus et Purgon entonnant un jargon médical avec une ferveur “poumonesque”.

L’hypocondriaque imaginé par Molière, un père tyrannique et désireux de marier sa fille Angélique au neveu de son médecin Purgon entretient ses névroses nosophobiques sur la scène de la salle Richelieu. Le mensonge et la farce investissent la comédie et les artistes s’alternent dans une mise en scène et un décor épurés.

© Cosimo Mirco Magliocca

Avec pétulance…

En ce soir de première, Julie Sicard enfile le costume de Toinette et donne la réplique (en alternance avec Muriel Mayette) à Gérard Giroudon (Argan) avec une réelle vivacité. La comédienne insuffle l’insolence et l’esprit nécessaires à son personnage, une servante dévouée à Angélique et son amant. Les ruses et les soubresauts bruyants de la suivante déclenchent immédiatement les rires tout en dévoilant le caractère dramatique de la rébellion menée à l’encontre d’un projet de mariage arrangé par son maître.

Mais, la parodie burlesque tant attendue, la “scène du poumon” peine à parvenir jusqu’à nous. Toinette, déguisée en médecin livre une satire du discours médical à un Argan désabusé. Dommage que le jeu associé à l’ensemble des ressorts mis à disposition avec ingéniosité par Molière manque de véhémence. L’accumulation des maladies citées par la suivante, la multiplication des soins inappropriés et le comique de répétition auraient mérité que la comédienne, qui ne manque pas de s’agiter, privilégie à ce moment précis la sincérité à la théâtralité.
Une théâtralité toute aussi présente dans le jeu d’Alexandre Pavloff. Le comédien interprète Thomas Diafoirus, le promis d’Angélique. Il propose un personnage aux traits rigides dont le manque de réflexion souligné par le discours continu de son père discrédite la médecine. Une entrée en scène réussie mais la contraction permanente de son visage tend à donner lieu à une interprétation quelque peu caricaturale sur la durée. De plus, les coups infligés à répétition par son père (Michel Favory) instaurent une nervosité ambiante.

© Cosimo Mirco Magliocca

En toute affinité

Des soucis liés dans un premier temps à une mise en route lente et laborieuse ne tardent pourtant pas à disparaître. Le monologue d’exposition présente un Argan bien peu irrité et l’on assiste à un léger trou de mémoire rapidement pardonné par le public. Le duo Angélique/Cléante composé ce soir là de Léonie Simaga et Laurent Stocker fonctionne agréablement. Les ressorts comiques déployés par les deux comédiens entretiennent le comique de situation donnant lieu à quelques quiproquos, Argan apparente Cléante au maître de musique d’Angélique, le spectateur sait quant à lui qu’il en est l’amant.

La dernière comédie écrite par Molière s’inspire de la Commedia dell’Arte. La comédie-ballet clôt sur la cérémonie d’intronisation d’Argan. Une scène musicale et carnavalesque fidèle aux intermèdes musicaux originaux. Malgré les aléas d’une première, l’ensemble est réussi. La magie du théâtre et du Français opère… On ressort admiratif de la savoureuse harmonie.

Le Malade Imaginaire
De : Molière
Mise en scène : Claude Stratz, assisté de Marie-Pierre Héritier
Décor et costumes : Ezio Toffolutti assisté pour le décor de Angélique Pfeiffer
Lumières : Jean-Philippe Roy
Musique originale : Marc-Olivier Dupin
Travail chorégraphique : Sophie Mayer
Conception des maquillages, perruques et prothèses : Kuno Schlegelmilch assisté de Elisabeth Doucet et Laurence Aué
Avec : Gérard Giroudon, Muriel Mayette / Julie Sicard, Catherine Sauval, Michel Favory, Alain Lenglet, Alexandre Pavloff / Nicolas Lormeau, Laurent Stocker/ Loïc Corbery, Léonie Simaga /Julie Sicard, Adrien Gamba-Gontard, Emma Cachau / Héloïse Giret / Maud Lamy / Cécile Vaubaillon, Nathalie Macé / Camille Turlot
Chanteurs : Carole Ségura-Kremer (Soprano), Valérie Wuillème (Alto), Laurent Bourdeaux et Stéphane Grapperon (Basse), Christophe Ferveur (Ténor)
Musiciens : Jorris Sauquet (Clavecin), Emmanuelle Guigues et Marion Martineau (Viole de Gambe)

Du 22 juin au 24 juillet 2011
Reprise du 15 janvier au 24 avril 2012

La Comédie Française
Place Colette, 75001 Paris
www.comedie-francaise.fr

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