Critiques // Critique • « Le Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux par la Comédie Française, mise en scène Galin Stoev

Critique • « Le Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux par la Comédie Française, mise en scène Galin Stoev

Sep 27, 2011 | 2 commentaires sur Critique • « Le Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux par la Comédie Française, mise en scène Galin Stoev

Critique de Hugue Bernard

Dans ce jeu de l’amour sans là, sans surprise, une belle maîtrise.
Galin Stoev, metteur en scène Bulgare, habitué des grands théâtres européens et notamment français (il a créé à la Comédie Française
La Festa, en 2007, L’Illusion Comique en 2008, ou encore Danse Delhi à la Colline en mai dernier), met en scène Le Jeu de l’Amour et du Hasard de Marivaux, à la Comédie Française, en partenariat avec le 104.

L’histoire est bien connue de cette pièce qui fait figure d’archétype du théâtre et de son jeu de dupes, figures de masques et d’artifices, où la vérité se révèle sous l’aspect du mensonge. La trame est simple : Silvia doit épouser Dorante, qu’elle ne connaît pas. Elle obtient de son père Orgon de se faire passer pour sa servante Lisette, tandis que celle-ci prend sa place, afin de pouvoir observer tranquillement le prétendant quand il se présente. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que Dorante a eu la même idée et s’annonce sous les traits de son valet Arlequin, alors que celui-ci endosse le costume de son maître. Chacun désirant ainsi reconnaître l’autre pour ce qu’il est, en décelant sa véritable nature sous le masque social de l’honnêteté. L’enjeu étant bien sûr de s’assurer d’un amour sans artifice.

© Brigitte Enguérand

Bien sûr, tout se renverse et ce qui devait être un jeu sans conséquence devient un mécanisme complexe de vraisemblables faux-semblants, redistribuant sans cesse les données sociales et amoureuses. La langue de Marivaux, qui tient de la précision de l’horloger et de l’habileté de l’artificier, tisse un chassé-croisé amoureux, ballet de personnages fictifs, système optique de miroirs réfléchissant ou déformant, dont s’affranchit la vérité du sentiment amoureux. Dans cet espace inattendu de tous les possibles, les passions autant que les calculs s’exacerbent et les blessures sourdent sous les costumes.

Galin Stoev l’a bien saisi, qui installe ses comédiens dans un grand espace de papier peint, sorte d’intérieur mouvant où se reflètent, sur des miroirs, des panneaux de plexiglas ou des écrans transparents, des motifs floraux (d’un goût quelque peu aléatoire), évocation d’un univers bourgeois comme déformé et insaisissable, espace familier mais étrangement troublé, à l’image de l’action. Dommage qu’il ait choisi d’y superposer une musique relativement caricaturale, qui est à la mise en scène ce que le motif de tapisserie est au décor… On baigne là dans un univers un peu trop conventionnel, dont l’ensemble du spectacle peine à se dégager. La proposition est bien faite, l’ensemble de qualité, la surprise à peu près absente, malgré quelques étrangetés liées au personnage de Mario qui, sans être hors contexte, soulignent le caractère convenu de l’ensemble plus qu’elles ne l’estompent.

© Brigitte Enguérand

L’ensemble ronronne comme un radiateur bien entretenu et l’on y trouve ce que l’on était venu chercher. Les amateurs de Marivaux devraient y trouver leur compte. Les comédiens donnent à entendre la minutie inquiétante de cette langue avec une aisance qui donne le change, avec une fraîcheur vivifiante. Force est de reconnaître le talent de cette équipe qui, comme avec décontraction, provoque le rire et le frisson tout à la fois, dans cette comédie de dupes aux accents tragiques.

On aurait mauvaise grâce de nier la maîtrise de cette mise en scène, dans laquelle Galin Stoev, impeccablement servi par la troupe du Français, fait preuve d’adresse et d’habileté. Toutefois, on cherchera en vain une quelconque surprise dans le déroulement d’une pièce comme mue par un ressort, qui déroule le mécanisme précis de Marivaux sans en atteindre l’audace.

Le Jeu de l’amour et du hasard
Comédie en trois actes et en prose
De : Marivaux
Mise en scène : Galin Stoev
Avec : Alexandre Pavloff, Léonie Simaga, Pierre Louis-Calixte, Christian Hecq, Suliane Brahim, Pierre Niney
Scénographie : Galin Stoev
Costumes : Bjanka Adžić Ursulov
Lumières : Elsa Revol
Musique originale : Sacha Carlson
Assistant à la mise en scène : Alison Hornus
Assistante à la scénographie : Delphine Brouard

Du 23 septembre au 4 octobre 2011
104 – Centquatre
5 rue Curial, Paris 19e
Métro Riquet, Crimée – Réservations 01 53 35 50 00
www.104.fr

Du 11 octobre au 31 décembre 2011
Comédie Française
Place Colette, Paris 1er
Métro Palais-Royal Musée du Louvre – Réservations 0825 10 1680 (0.15 € TTC/mn)
www.comedie-francaise.fr

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