Critiques // « Le Fantôme de l’Opéra » d’après Gaston Leroux par Henri Lazarini au Théâtre 14

« Le Fantôme de l’Opéra » d’après Gaston Leroux par Henri Lazarini au Théâtre 14

Nov 18, 2010 | Aucun commentaire sur « Le Fantôme de l’Opéra » d’après Gaston Leroux par Henri Lazarini au Théâtre 14

Critique d’Ottavia Locchi

La Passion, l’Obsession, l’Amour Éternel, le Génie, la Folie…
Tout un programme !

« Le Fantôme de l’Opéra » est un titre légendaire. Le Roman de Gaston Leroux, paru en 1910, continue toujours de fasciner l’âme humaine. Pas moins de huit adaptations cinématographiques, réalisées entre autres par Rupert Julian, Terence Fisher, Brian de Palma et Dario Argento, un ballet créé par Roland Petit et une comédie musicale composée par Andrew Lloyd Webber perpétuent la légende des mystères de l’Opéra. Pour la première fois, c’est sous forme de pièce de théâtre que nous apparaissent les énigmes si passionnantes dont l’Opéra Garnier a été victime dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

© Photo Lot

Dans les loges de l’Opéra, le bruit court que le fantôme rode. À l’administration, le nouveau directeur s’étonne de devoir réserver la loge n°5 sans jamais la louer. En coulisses, on retrouve un pendu. Christine Daaé, chanteuse jusqu’alors sans grand talent, chante sur la scène avec un tel génie qu’on prétend à un vœu du Ciel. L’ouvreuse n’est pas étonnée de ces mystères car elle le sait, elle lui a parlé à plusieurs reprises : le Fantôme existe. Dans cette atmosphère illuminée, Raoul tombe sous le charme de Christine, mais celle-ci avoue être sous l’emprise d’un mystérieux Erik, et, malgré son amour pour Raoul, ne peut se détacher de celui qu’elle appelle « l’Ange de la Musique ». Raoul se lance alors à corps perdu dans les bas-fond de l’Opéra pour délivrer sa belle de la domination funeste qu’exerce ce soit-disant fantôme, Erik.

Un spectacle hyperbolique

Les sentiments enivrés, les larmes dégoulinantes, les cris frénétiques et les costumes envahissants ont été la soude du travail de mise en scène d’Henri Lazarini. On retrouve du mélodrame et de l’exaltation qui ne sont pas sans nous évoquer une forme de théâtre à la grecque. Quoi de plus naturel pour incarner les personnages acteurs d’un tel mythe ? Être tout à fait dans le rôle, jouer les larmes pour montrer les larmes, jouer l’épouvante pour montrer l’épouvante, jouer à genoux pour montrer l’Amour, tout cela devrait suffire à transmettre au spectateur l’éclat que le Théâtre apporte à la légende. Non ?

© Photo Lot

Ce spectacle, construit sur des pléonasmes, se cramponne désespérément à la Légende. Il voudrait s’en montrer digne. Il court derrière, essayer de la saisir, mais ne la rattrape pas vraiment. Toute dimension musicale, mystérieuse, et la scénographie frappante sont écrasées par un jeu de comédien trop terre-à-terre. La subtilité ne faisant pas partie de leur langage, on tombe dans une légende aplatie par trop d’emphase.
Cependant une mise en lumière percutante est loin de nous laisser de marbre. La scénographie, aussi simple soit-elle, capte immédiatement le spectateur dans une atmosphère de secret et de lourds mystères. On se promène sur les toits, on s’aventure vers le lac mystérieux sous les fondations, On observe les loges et contemplons la grande scène, parfois de face, parfois de côté, le tout amené habilement par un rideau transparent destiné à doubler l’espace scénique.

Le metteur en scène, Henri Lazarini, est le créateur du Théâtre de la Mare au Diable. Il a notamment mis en scène « Cyrano de Bergerac » (1995, Théâtre du Ranlagh, nomination aux Molières 1998), « Un Air de Famille » (2002, Théâtre de Nesle), « Le Poison » (2004, Théâtre 14 et en tournée),  « Le Barbier de Séville » (2005, tournée 2007 – 2008) ou encore « Les Précieuses Ridicules » (2010, Théâtre de Longjumeau). Il perçoit « Le Fantôme de l’Opéra » comme le roman qui clôture l’époque romantique, paré d’ornements gothiques sur fond de mythes et grands thèmes passionnels. Dans son adaptation théâtrale, Henri Lazarini tient à faire « la part belle au mystère, à l’étrange, à l’insolite ». Il se jette ainsi à bras raccourcis dans une adaptation scénique qui, outre l’inspiration baroque des décors, perd de sa finesse. Mais soyons tolérants : Benoît Solès, dans le rôle de Raoul, tire son épingle du jeu et prouve qu’on peut être amoureux sans forcément être grotesque. Jean-Baptiste Marcenac soutient son jeu avec une justesse et une simplicité qui en font un personnage agréable. De plus, entreprendre de réadapter cette histoire qui a été maintes et maintes fois sublimée est un défi qui devient pharamineux, surtout quand on est passionné par ce mythe du Fantôme de l’Opéra.

Peut-être la Légende est-elle devenue trop grande au fil des années. Un siècle plus tard, sa première adaptation théâtrale n’égale pas, hélas, le niveau des adaptations formidables déjà réalisées.

Le Fantôme de l’Opéra
D’après : Gaston Leroux
Adaptation théâtrale et mise en scène : Henri Lazarini
Avec : Emmanuel Dechartre, Alix Bénézech, Benoît Solès, Marie-Christine Danède, Patrick Andrieu, Jean-François Guilliet, Jean-Baptiste Marcenac
Assistant à la mise en scène : Timothée Bilal
Décors et costumes : Jérôme bourdin
Lumières : Xavier Lazarini
Création sonore : Michel Winogradoff
Régie : Hugo Richard
Habilleuse : Christelle Yvon

Du 16 novembre 2010 au 1er janvier 2011

Théâtre 14 Jean-Marie Serreau
20 avenue Marc Sangnier, 75 014 Paris
theatre14.fr

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