Critique de Denis Sanglard –
Jetons l’eau du bain avec le bébé
Certains metteur en scène ont semble t-il peur du vide. Un plateau nu leur semble une épreuve insurmontable. Il faut absolument remplir l’espace, absolument donner à voir. Dans le Bain, protocole d’adieu à l’être aimé, et l’Apprentissage, lent retour à la vie dans un univers médicalisé et déshumanisé, deux récits de Jean-Luc Lagarce, nous sommes confrontés à cette peur. Un metteur en scène pris de vertige devant une œuvre et qui encombre l’espace d’un fatras scénographique inutile, un semblant de naturalisme pour deux textes qui ne le demandent pas, qui se suffisent à eux-mêmes. C’est redondant. C’est un contre-sens absolu. Un besoin de s’accrocher à quelque chose, n’importe quoi, au lieu de se confronter frontalement au texte nu. Textes qui, non destinés au théâtre, demande une réflexion dramaturgique pour trouver des solutions devant le problème posé. Les tentatives les plus réussies osent sortir en général du cadre théâtral ordinaire.
Ici cela donne une agitation inutile, une circulation vaine pour faire absolument entrer dans le cadre du théâtre ce qui n’y est pas forcément destiné. Et la proposition vidéo n’amène strictement rien. C’est joli dans le décor, mais quoi ? Cela n’apporte rien. Pas même un contrepoint. Cette proposition peut être une réussite quand, intégrée à la scénographie, elle devient un enjeu dramaturgique cohérent à l’ensemble (Voir Reset pour exemple). Ce n’est pas le cas. Pourtant quelques propositions données auraient pu s’avérer justes si elles n’étaient aussi lourdement appuyées par cette volonté insupportable de démontrer absolument. Et la liaison entre les deux récits est inexistante. Cela fait deux éléments mis bout à bout sans cohérence. Pour faire une heure de spectacle ? Et pourquoi avoir massacré l’Apprentissage, texte d’une grande rigueur dans sa structure et sa progression, par des coupures incongrues sinon le formater dans le temps d’une vidéo d’à peine dix minutes ? Lagarce fut longtemps au purgatoire ce n’était pas la peine aujourd’hui de lui faire vivre cet enfer.
Le Bain suivi de L’Apprentissage
De : Jean-Luc Lagarce
Mise en scène : Cecile Coustillac et Daniela Labbé Cabrera
Adaptation et interprétation : Daniela Labbé Cabrera
Compositions : Alexeï Aigui et Loïc Le roux
Régie générale et collaboration sonore : Diane Lapalus
Créateur lumières : Tarak Ferreri
Décor et costumes : Magalie MurbachDu 16 février au 27 mars 2010
Théâtre les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris
www.lesdechargeurs.fr