Critique d’André Antébi –

Georges Perec a écrit L’augmentation en 1969, deux ans après avoir été coopté par l’Oulipo. Perec décrit le parcours semé d’embûches d’un salarié, parcours physique autant que mental, fait d’arbitraire, de censure, d’autocensure, de courte joie et de désespoir vers la possibilité d’entrevoir l’espoir de demander une augmentation de ses émoluments. A travers cette situation c’est tout l’univers d’une société totalitariste que Perec nous fait explorer « Face au nouvel espace totalitaire du monde de l’entreprise globale, la revendication forcenée de l’individu ne serait elle pas tout simplement de garder jusqu’au bout sa dignité ? » nous dit Marie… Car en effet, comme tous les systèmes totalitaires annihilent la faculté de pensée, notre individu venant défier le pouvoir en osant demander une augmentation se voit dénier sa nature humaine par « le chef de service » pour ne devenir « qu’un pion minuscule », « l’un des innombrables employés », « un rouage »…

© Théâtre de la Boderie

La mise en scène de Marie Martin Guyonnet sert très bien ce propos et cette farce sociale. Dans une esthétique années 70 à la Mondrian, et qui n’est pas non plus sans rappeler l’ambiance des films institutionnels rétros et un peu ringards, les trois comédiens (Jean-Marc Lallement, Olivier Salon, Jehanne Carillon) prennent en charge avec une belle jubilation tout l’humour, très noir, de Perec dans un texte piège car très répétitif et parfois laborieux.

Notre seul regret est de ne pas retrouver sur le plateau toute la folie vers laquelle ce texte devrait nous emmener. Le dérèglement d’une machine bien huilée dont tous les éléments, rouages, ressorts, pions et petites vis finiraient par exploser en mille morceaux dans un emballement incontrôlé et monstrueux…Tout ce parcours se termine un peu trop sagement.

Que cela ne remette pas en cause la qualité globale de cette mise en scène dont vous serez comblés par l’humour et le propos.

L’Augmentation
De : Georges Perec
Mise en scène : Marie Martin Guyonnet
Avec : Jean-Marc Lallement, Olivier Salon, Jehanne Carillon
Collaboration : Jean Pennec
Scénographie : Marie Martin-Guyonnet
Accompagnement chorégraphie : Sophie Quénon
Musique originale et chants : Eléonore Bovon
Costumes : Véronique Belmont
Lumières : Jean-Yves Courcoux

Du 3 novembre au 8 janvier 2011

Théâtre du Guichet Montparnasse
15 rue du Maine, 75014 Paris
www.guichetmontparnasse.com

www.laboderie.fr

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