À l'affiche, Critiques // Lady First, de Sedef Ecer, mise en scène de Vincent Goethals, Théâtre du Peuple de Bussang

Lady First, de Sedef Ecer, mise en scène de Vincent Goethals, Théâtre du Peuple de Bussang

Août 11, 2016 | Commentaires fermés sur Lady First, de Sedef Ecer, mise en scène de Vincent Goethals, Théâtre du Peuple de Bussang

ƒ article de Denis Sanglard

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© AFP

Quelque part au Moyen-Orient, une Mésopotamie imaginaire, république bananière, la révolte gronde. Le peuple s’avance vers le palais présidentiel. Le président est introuvable, enfui déjà sans doute. On dépêche la First Lady, Ishtar, pour un entretien télévisuel afin de calmer la population. Une jeune journaliste est recrutée, docile, à qui l’on impose les questions. Mais la situation empire, tout se déglingue, la First Lady n’est désormais entourée que deux de ses fidèles, et ne pense plus qu’à partir en sauvant ses richesses. Mais avant ça, dans un sauve qui peut général, dans la panique qui vient et la débandade, elle lâche tout, révèle l’arrière cuisine du pouvoir…

Lady First, texte de Seder Ecef, est une farce politique, une satire sur le pouvoir. Une bouffonnerie tragique. Les dernières heures d’une femme de dictateur, un monstre d’ambition. Evidemment on pense à Lady Macbeth, on louche vers Mère Ubu, on songe à Evita Peron… Ishtar en est l’héritière et la bâtarde. L’action elle est déplacée vers le Moyen-Orient, référence aux printemps arabes dont il est fait largement écho. Une farce donc, ou qui se voudrait comme telle, qui s’inscrit de par son thème et ses références claires à cette saison dédiée à William Shakespeare. Soit. Seulement quelque chose ne fonctionne pas tout à fait. Vincent Goethals signe une mise en scène plus qu’honnête, séduisante pas certains aspects, réussie dans l’utilisation de la vidéo, mais qui reste dans un entre-deux. Cette création claudique un peu, hésitant entre deux formes. Le tragique et la farce. C’est d’ailleurs la farce qui fonctionne le mieux. Ainsi les duplex avec les différents ministres, par l’intermédiaire de Skype, sont les plus réussis. Personnages grotesques, caricaturaux dans le fond et la forme, on pense à Jarry, s’opposent clairement à ce qui se joue en direct sur le plateau. Pourquoi ne pas avoir adopté le même ton, le même grotesque réussi avec Ishtar et ses deux acolytes, sa styliste et son conseiller ? Nous restons dans les intentions sans aller jusqu’au bout. Il y a comme une hésitation à forcer davantage le trait. Sans doute aussi que le texte est devenu par trop référencé, tragique actualité, pour s’inscrire totalement dans la farce. Si le pays est imaginaire, l’action, elle, est tristement rattrapée par l’histoire contemporaine. La Mésopotamie ne peut rivaliser avec la Pologne de Jarry bien plus abstraite, bien plus éloignée, bien plus imaginaire, bien plus grotesque. La distance nécessaire au burlesque et à la farce n’est plus. On reste donc dans deux registres de jeux qui s’annulent plus qu’ils ne s’opposent et de fait peinent à masquer les faiblesses du texte. Car lui aussi hésite entre plusieurs registres qui entremêlent actualité, référence et fiction. Et puis il y a une chose qui personnellement me gêne. Mais qui résume cette dichotomie entre un discours et son registre. Certes la styliste est une transsexuelle. Pourquoi pas. Son discours pro-LGBT est un plaidoyer courageux sur la tolérance et une dénonciation de l’homophobie. Mais qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Pourquoi alors le faire jouer comme une folle tordue ? Ce n’est pas de la farce mais un mauvais cliché qui de fait et paradoxalement annule tristement tout ce qui est énoncé. Les acteurs tirent leur épingle du jeu et tiennent la pièce de bout en bout. Anne-Claire est une Ishtar qui se révèle, derrière une fausse (?) naïveté, maitresse-femme et first lady jusqu’au bout de ses escarpins ensanglantés. Et Bernard Bloch, Elish le conseiller-scorpion, machiavélique à souhait. Ce n’est pas une mauvaise soirée malgré les réserves évoquées, loin de là. Et le charme du Théâtre du Peuple opère toujours.

Signalons aussi dans les petites formes, à 18h30, Macbêtes, les nuits tragiques, adaptation de Macbeth par Arthur Lefebvre, mise en scène de Claire Dancoisne, théâtre de la Licorne. Interprété par Rita Burattini et Maxence Vandevelde, un Macbeth réduit à son exosquelette, d’une noirceur tragique et drôle. Lady Macbête et Macbête métamorphosés, deux cafards diaboliques mènent la guerre chez les insectes aux carapaces métalliques. Une vision cauchemardesque de l’ambition d’un couple, tragédie pour deux monstres invertébrés. Théâtre d’objets sombre et superbe, 30 minutes d’heureux frisson…

 

Lady First
Texte Sedef Ecer
Mise en scène Vincent Goethals
Scénographie, environnement visuel Fred Vaillant
Lumières Philippe Catalano
Environnement sonore Bernard Vallerey
Costumes Dominique Louis
Assistée de Sohrab Khashanian
Maquillage et coiffures Catherine Nicolas
Avec Anne-Claire, Angèle Baux Godard, Sinan Bertrand, Bernard Bloch

et Jean-Louis Apprederisse, René Bianchini, Fouad Bousba, Marie-Claire Fuchs, Chantal Gobert, Vincent Goethals, Mustapha Hamamid, Christianne Lallemand, Benjamin Le Merdy, Arnault Mougenot, et la chienne Rita

jusqu’au 27 Août du mercredi au samedi à 20h30

Théâtre du Peuple
40, rue du théâtre – 88540 Bussang
réservations 03 29 61 62 47
info@theatredupeuple.com
www.theatredupeuple.com

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