Critiques // « La Zapatera Prodigiosa » de Garcia Lorca à l’Épée de Bois

« La Zapatera Prodigiosa » de Garcia Lorca à l’Épée de Bois

Mar 12, 2011 | Aucun commentaire sur « La Zapatera Prodigiosa » de Garcia Lorca à l’Épée de Bois

Critique de Solveig Deschamps

Federico Garcia Lorca, poète et dramaturge fusillé à l’âge de 36 ans pour homosexualité par les phalangistes espagnols.

La totalité de son œuvre sera interdite par Franco jusqu’en 1953.
Sa première pièce « Le maléfice du papillon » racontait l’amour impossible entre un papillon et un cafard. « La savetière prodigieuse », pièce de la maturité, est une farce burlesque qui raconte le mariage  forcé d’une jeune fille  avec un vieux savetier, celle-ci va lui rendre la vie impossible ce qui va forcer “le vieux” à partir. « Parler du vieux, c’est une manière d’exprimer la douleur ressentie par quiconque nage à contre-courant ».

Antonio Diaz Florian, qui dirige le théâtre de l’Épée de Bois depuis toujours, n’en est pas à sa première mise en scène d’une pièce de Lorca . Il est parfois de ces artistes qui vous accompagnent, vous guident une vie entière et vous aident à créer. Ne vous attendez pas à entendre le texte de « La zapatera prodigiosa » dans sa totalité, Antonio Diaz Florian en a fait une adaptation, comme pour nous faire entrer dans l’histoire qu’il a tissée avec le poète. Même s’il s’agit d’une farce ,il y a lu « les phrases qui correspondent à sa vraie mort et qui me font trembler », et c’est ce qu’il veut nous donner à voir et à entendre. Il n’a gardé que les mots qui lui semblaient correspondre à la prémonition que le poète avait de sa mort proche, les mots liés aussi à l’interdiction qu’il avait de pouvoir vivre un amour homosexuel. Lorca n’aurait-il pas dû faire un mariage de raison comme le savetier ?

Croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer.

Une salle qui sent bon le bois, un espace scénique réduit, des tréteaux comme si on allait jouer une farce sur une place publique, sur les tréteaux des malles emplies de chaussures, nous sommes chez le savetier, une ampoule éclaire le tout, éclaire le sombre de ce qui va se jouer. Elles sont deux, deux femmes pour incarner un couple qui se déchire, visages fardés de blanc, costumes noirs, longues chaussettes rayées, cheveux gominés. Une voix grave et l’autre fluette. Au loin on entend une musique, celle du fascisme qui gronde ; sur le mur du fond un carré sur lequel va s’inscrire la traduction simultanée du texte qui sera éructé en espagnol comme pour couvrir ce qui couve. Des voix et des corps qui exacerbent les comptes d’amour qui ne vont pas se régler.
« Si le théâtre est bon, la passion de l’acteur traverse la langue » et c’est ce qui va se passer… incident technique, plus de surtitrage, il faut se laisser faire avec les mots espagnols qui continuent à jaillir.

Bien sûr, il nous faut les clés pour entrer dans cet univers mais si Antonio Diaz Florian accepte de nous les confier pour la soirée, on ne se sentira non pas comme chez nous mais comme chez lui et chez lui ça sent la vie et la passion.

Il fait nuit lorsque nous sortons et me voilà à l’imaginer place Santa Ana à Madrid devant la statue de Lorca, sans doute à pester devant le ridicule de la situation.

La Zapareta Prodigiosa
– Espagnol surtitré –
D’après : Federico Garcia Lorca
Adaptation et mise en scène : Antonio Diaz-Florian
Avec : Graziella Lacagnina et Dolores Lago

Du 10 mars au 8 avril 2011

Théâtre de l’Épée de bois
Cartoucherie de Vincennes, Route du Champs de Manœuvre, 75 012 Paris – Réservations 01 48 08 39 74

www.epeedebois.com

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