Critiques // « La Voix Humaine » de Cocteau mis en musique par Poulenc à l’Athénée

« La Voix Humaine » de Cocteau mis en musique par Poulenc à l’Athénée

Fév 14, 2011 | Aucun commentaire sur « La Voix Humaine » de Cocteau mis en musique par Poulenc à l’Athénée

Critique d’Evariste Lago

Trois textes et une femme dans la tourmente

La voix humaine est à l’origine une pièce de théâtre écrite en 1930 par Jean Cocteau pour Berthe Bovy, sociétaire de la comédie française. Elle fût ensuite adaptée sous la forme d’une tragédie lyrique par le compositeur et pianiste Francis Poulenc en 1958.
Le metteur en scène, Vincent Vittoz, propose ici une vision personnelle de la pièce de Jean Cocteau, « La Voix Humaine ». En effet, il adjoint à cette tragédie lyrique un court monologue lyrique de Francis Poulenc, « La Dame de Monte-Carlo », ainsi qu’un autre de Cocteau, « Lis ton journal ». Ce dernier monologue est l’aboutissement d’un travail sur le texte de « Le Bel Indifférent », poème de 1936, que Cocteau avait transformé en une version courte masculinisée pour Jean Marais, en 1949. L’ensemble forme une pièce lyrique cohérente sur la rupture amoureuse et la folie.
Trois textes lyriques pour une femme dans la tourmente. Jean Cocteau aborde ici des thèmes qui lui sont chers : la trahison, l’abandon, la servitude et l’amour. « La Dame de Monte-Carlo » évoque la jalousie hystérique et le désespoir d’une courtisane de la Riviera qui, « morte entre les mortes », décide de se jeter dans la Méditerranée. Descendue des casinos et réfugiée dans sa chambre au style bonbonnière Napoléon III, elle joue « Lis ton journal », monologue à deux mais dont l’homme est muet et ici absent. Face à une chaise vide, face à un être dénué d’expression, cette femme va se libérer par la parole. Les pulsions amoureuses sont exacerbées et cette femme va tomber dans la folie face au silence. Le dénouement, avec le texte de « La voix humaine », porte le sentiment amoureux jusqu’à son paroxysme, jusqu’à la mort. L’homme est encore absent. Il est au bout du fil du téléphone et n’ose lui dire qu’il ne l’aime plus et qu’il va en épouser une autre. Encore une fois, le son de sa voix ne nous parviendra pas. Tout ici est histoire de trahison, de résignation, de tortures psychologiques et de rupture amoureuse. La voix humaine est un monologue d’amour que Poulenc voulait « effrayant et ultra-sensible », « terrifiant aussi bien dans le calme que dans l’agitation » ce qui donne un spectacle surréaliste et parallèlement très humain.

Sentiments humains

Vincent Vittoz nous propose donc une adaptation personnelle de la pièce de Jean Cocteau. Le parti pris est de tout représenter dans une chambre, un lieu unique qui apparaît comme un refuge mais aussi comme une prison. Un décor en adéquation avec une époque mais sobre alors que Cocteau était accusé de trop « machiner » ses pièces. Stéphanie d’Oustrac, la mezzo-soprano, apparaît clopinant pour mieux jouer cette femme brisée. Elle incarne une femme au bord de la rupture avec brio et ses envolées lyriques la montrent saisissante de justesse. Elle hurle, se calme, pleure, mugit, joue avec les ruptures du texte comme le ferait une femme au bord du drame. La mise en scène sobre et sans artifice laisse surgir l’intériorité du personnage, son angoisse et le vertige du bord d’un gouffre.

La Voix Humaine
D’après : Jean Cocteau
Opéra : Francis Poulenc
Mise en scène : Vincent Vittoz
Scénographie : Amélie Kiritzé-Topor
Costumes : Sylvie Ayrault et Christel Desjardins
Lumières : Roberto Venturi
Avec : Stéphanie d’Oustrac et Pascal Jourdan (piano)

Du jeudi 10 au dimanche 13 février 2011

Athénée Théâtre Louis Jouvet
Square de l’Opéra Louis Jouvet, 7 rue Boudreau, 75 009 Paris
www.athenee-theatre.com

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