Critiques // « La Ronde » d’Arthur Schnitzler mis en scène par Marion Bierry

« La Ronde » d’Arthur Schnitzler mis en scène par Marion Bierry

Jan 16, 2010 | Un commentaire sur « La Ronde » d’Arthur Schnitzler mis en scène par Marion Bierry

Critique d’Hervé Mestron

Du sexe à l’époque de Freud

Arthur Schnitzler (1862-1931), médecin, s’est intéressé à la psychiatrie, à la dermatologie, et aux maladies vénériennes. Forcément, il a dû en voir et en entendre. Ces questions ont dépassé le cadre strict de ses consultations pour nourrir son imaginaire et donner de l’encre à son scalpel. La Ronde se présente sous la forme de dix scènes ayant pour dénominateur commun la vitalité de la virilité galonnée. Nous sommes en 1900, c’est dire si les hommes sont en forme.

Il n’y a ni début ni fin dans cette histoire. C’est une ronde, et on a l’impression d’entendre la musique de la terre, la passacaille de la roue qui tourne, inlassablement, jusqu’à se répéter sans évolution notoire, comme un coït ad libitum. En dix séquences, la pièce raconte la relation intime mais aussi sa résonance sociale. En partant de la prostituée, on rencontre des acteurs de toutes les classes de la Vienne de 1900. Militaires, gradés, gens de la bourgeoisie. Séduction, pouvoir, argent. Il y a ce thème éternel de la pensée hommasse populaire : la pute au grand cœur, la bourgeoise qui capitule, l’artiste au corps sublimé par la prière, et le gars, lui, toujours présent, le même sous des masques multiples, tirant bravement son coup de fusil avec un désastreux panache, dont l’écho restitue sans fin la frénésie des corps assoiffés.

Le tempo de la Ronde

Certains dans le public ont beaucoup rit, ma voisine de gauche notamment. Certains se sont peut-être reconnus dans le miroir de la pièce et, de peur de rougir dans le noir, ont préféré pouffer. Humour noir, non, pas chez Schnitzler. Acreté et précision de la langue. Maîtrise de la  forme séquencée parcourant le tableau vivant d’une société en goguette. Pas d’éclat. Seulement des obus. Et ce rythme joyeusement orchestré par Marion Bierry, faisant tourner les numéros comme sur une piste de cirque, avec des personnes parfois nues sur scène, si si. Subtil clin d’œil à l’échelle des censures. Effet cabaret garanti, mais décalé, dans un écrin scénographique ingénieux.

La Ronde
De : Arthur Schnitzler
Mise en scène : Marion Bierry
Avec : Vincent Heden, Alexandre Martin, Sandrine Molaro, Serge Noël, Marie Reache, Aline Salajan, Eric Verdin.
Assistant à la mise en scène : Denis Lemaitre
Décor : Nicolas Sire
Costumes : Virginie Houdinière
Lumières : André Diot

Du 11 décembre 2009 au 28 avril 2010

Théâtre de poche Montparnasse
75 bd du Montparnasse, 75 006 Paris – 01 45 48 92 97
theatredepoche-montparnasse.com

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