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La Rive dans le noir, une performance de ténèbres, de Pascal Quignard, au 104

Jan 17, 2017 | Commentaires fermés sur La Rive dans le noir, une performance de ténèbres, de Pascal Quignard, au 104

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Jose Albergaria

Jamais ténèbres ne furent aussi lumineuses ! La Rive dans le noir, création de Marie Vialle et Pascal Quignard est un concentré de poésie et de mystère. Marie Vialle formidable conteuse, même si elle s’en défend, capable de métamorphoses, d’être la chouette et le corbeau, l’enfant aux énigmes inédites, l’escargot fragile. Capable d’imiter le chant des oiseaux dans une première scène étonnante, un vrai concerto, échos mémoriel sensible en hommage à Messian qui clôture avec malice cet opus. Et Pascal Quignard, si timide, à la table ou au piano, offrant aphorismes savants, toujours, et confidences intimes, traversé par la mort et le noir, habité de fantômes familiers. Tous deux, complices émerveillés l’un de l’autre, charmeurs d’oiseaux, oiseleurs d’un soir, dialoguent sans mots dire, ou presque. Un dialogue croisé entre chien et loup, entre corbeau et chouette, entre cour et jardin, de la vie à la mort. Un parcours symbolique, courbe de toute vie, « la rive dans le noir » qui donne son titre. Une langue musicale, le secret d’une écriture singulière qui n’appartient qu’à son auteur, et dont Marie Vialle se saisit avec un bonheur évident. Une création hybride entre animalité archaïque puisant sa source profonde dans les grottes de Lascaux et de Chauvet, un chamanisme qui rejoint le butô brute dans le cri primal, muet ou sonore, la métamorphose accomplie, la transe des corps, et une écriture sophistiquée, partition musicale singulière. Pascal Quignard convoque ses morts. Lui l’inconsolable. Inconsolable de la mort de Carlotta Ikeda, figure majeure de la danse butô, sa Médée foudroyée en 2014, renaissante ici en son absence, veille dans ces ténèbres solaires. Marie Vialle raconte à travers de courts récits, des contes cruels ou énigmatiques, convoque l’animalité enfouie en chacun de nous, hèle les fantômes de l’écrivain, révèle son écriture. Sur cette étrange création, petite merveille poétique et précieuse, planent deux oiseaux, le corbeau et la chouette. La vie et la mort. Animaux totémiques, déjà présents dans l’art pariétal souligne Pascal Quignard, physiquement présents là, et superbement libres, sur le plateau. Tout concourt au merveilleux, à la magie dans ce qu’elle a de révélateur et d’obscure tout à la fois dans l’énonciation des mystères d’une vie. L’obscurité qui règne sur le plateau, on pense à l’outre-noir de Soulages, agit comme un puissant révélateur des pulsions archaïques, des peurs ancestrales. Il y a quelque chose de matriciel, de retour à la matrice, et là on rejoint de nouveau le butô, comme une référence devenue incontournable chez Pascal Quignard. C’est aussi l’expérience de l’enfant solitaire mangeant dans un placard, première confidence de l’écrivain qui ouvre cette création. C’est ce noir-là, originel, vécu par l’enfant, qui ouvre au monde, révélateur enfin de nos ombres et fantômes que Marie Vialle et Pascale Quignard éclairent de leurs présences phosphorescentes. Ils sont le corbeau et la chouette, la part lumineuse et son envers, et sciemment, gravement et joyeusement, reviennent aux origines du théâtre, chamanes contemporains, puisqu’ils se définissent ainsi, entre masques, cérémonies, rêves et mystères. Le théâtre a toujours été une question de révélation. Et d’obscurité.

La Rive dans le noir, une performance des ténèbres
De Pascal Quignard
Mise en scène et interprétation Marie Vialle et Pascal Quignard
Scénographie et costumes Chantal de la Coste
Lumière Jean-Claude Fonkenel
Musique Pierre Avia
Educateur d’oiseaux Tristan Plot / A vol d’oiseaux
Masques Cécile Kretschmar
Travail voix Dalila Khatir
Travail corporel Earline Hopkins
Assistantes costumes Siegrid Petit-imbert
Régie son, vidéo Hugues Le Chevrel

Du 15 au 18 janvier 2014 à 20h

Le 104
104 rue d’Aubervilliers 75019 Paris
M° Riquet
Réservations 01 53 35 50 00
www.104.fr

Les 7 et 8 février Le Liberté, scène nationale de Toulon
Du 28 février au 4 mars Théâtre 71, scène nationale de Malakoff
Le 14 mars Le Parvis, scène nationale de Tarbes
Du 21 au 24 mars Théâtre Olympia, CDR de Tours
Du 29 au 31 mars TnBA, Bordeaux
Le 6 avril Théâtre du Havre avec Terres de Paroles
Les 25 et 26 avril Comédie de caen avec terres de paroles
Du 4 au 5 mai Bois de l’Aune-Aix-en-Provence
Les 15 et 16 mai Equinoxe, scène nationale de Châteauroux

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