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La Recherche, de Yves-Noël Genod, Théâtre des bouffes du Nord

Fév 23, 2017 | Commentaires fermés sur La Recherche, de Yves-Noël Genod, Théâtre des bouffes du Nord

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Bruno Perroud

Yves-Noël Genod est un lecteur magnifique. Un passeur, un passant qui s’efface. Ce diable rouge au pied d’argent qui déambule, arpente le Théâtre des Bouffes du Nord, traverse l’œuvre foisonnante de Proust sur la pointe des pieds, l’œuvre en magnifique sautoir. La voix ardente et amoureuse, gourmande et feutrée se fait murmure, s’éteint parfois, se meurt, se reprend. Morceaux choisis, pas les plus connus, forment une géographie intime et précieuse aux correspondances subtiles et ténues qu’il consent à partager. Ce qu’il offre, comme un don généreux, c’est le génie de Proust. Il lit, s’arrête parfois, précise, explique. Anecdotes personnelles où il est question parfois de Marguerite Duras, des Roches Noires de Trouville, explications doctes sur les réminiscences qui relient Proust à Beaudelaire, à Nerval, à Chateaubriand, réflexions impertinentes de son cru, précision de vocabulaire en incise. C’est brillant, c’est obscur, c’est léger, c’est profond, c’est beau à tomber, à pleurer. Et ce bras et cette main qui battent la mesure proustienne, se font légers, caressent l’espace au rythme de la phrase mouvante qui ondoie, serpente comme laisse de mer bientôt effacée. Ce bras qui invite, ouvre l’espace, élargit, projette le roman dans cet écrin des Bouffes du Nord, parfois embrumé comme le brouillard maritime sur Trouville où les matins de Chantilly, embrumé des fumigations du malade qu’était Proust… Et ce qui s’offre là devant nous, à nu, sans artifice, c’est bien le génie incomparable, mot galvaudé et on s’en fiche, de Marcel Proust. De Balbec à Venise, des salons aux bordels militaires, de Françoise à la Princesse de Luxembourg, c’est une cartographie du tendre, intime, celle de Yves-Noël Genod, lecteur sublime, gonfalonier d’un auteur dont il exauce les saveurs, rehausse les infimes sensations et vibrations. Il en souligne sans appuyer, avec une grâce facétieuse, la beauté, les beautés parfois abruptes, l’ironie mordante et grinçante, l’humour subtile et le regard acéré d’un portraitiste impitoyable de la cruauté mondaine. On rit franchement et souvent, car oui Proust et Genod sont drôles. On s’y perd aussi parfois mais lire Proust c’est justement accepter de s’égarer dans cette jungle touffue, en sortir, y rêver, y revenir, parfois même l’abandonner. Et c’est bien cette expérience singulière de lecteur que nous traversons sous la coupole merveilleusement décatie des Bouffes du Nord devenue le temps de cette lecture, de cette expérience unique et sensible, la chambre d’écriture de Marcel Proust. Une chambre sombre, une camera obscura, révélée, éclairée par la présence habitée d’ Yves-Noël Genod, passeur et révélateur chimique de la poésie de Proust.

 

La Recherche
De et avec Yves-Noël Genod
Lumières Philippe Gladieux
Son Benoit Pelè
La Recherche est le premier volet d’un dyptique, la spirale du temps perdu. La beauté contemporaine, le second volet, sera donnée à la ménagerie de verre du 14 au 16 mars 2017.
du 21 au 25 février 2017 à 20h30

Théâtre de Bouffes du Nord
37bis boulevard de la Chapelle – 75010 Paris
M° La Chapelle
Réservations 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

 

 

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