Critique de Dashiell Donello –

Jamais un scooter vespa, plein phare, n’abolira ni passé, ni présent, ni avenir

Par l’esprit du mouvement « Anima motrix », Laurent Hatat inverse le titre de la pièce « Le Barbier de Séville » pour souligner son positionnement que résume ainsi Beaumarchais : « Un vieillard amoureux prétend épouser demain sa pupille ; un jeune amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme, à la barbe et dans la maison du tuteur. Voilà le fond, dont on eût pu faire, avec un égal succès, une tragédie, une comédie, un drame, un opéra, et cœtera. L’Avare de Molière est-il autre chose ? Le grand Mithridate est-il autre chose ? Le genre d’une pièce, comme celui de toute autre action, dépend moins du fond des choses que des caractères qui les mettent en œuvre. »

© Eric Legrand

C’est toujours le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein, quand on veut actualiser un texte d’un siècle passé. Le soleil d’un solstice d’été contemporain ne rend pas moderne une pyramide, et le rayon qui s’expose sur celle-ci n’est que celui du moment. Alors est-ce si important ? Ce que l’on peut dire sur la modernité d’un texte, c’est qu’il se résume à son propos. C’est dans la jalousie d’Othello et dans la grande question d’Hamlet que l’on trouve la modernité d’une écriture. Chez Beaumarchais, c’est le rapport des classes et son positionnement social. Ce qu’il y a d’intemporel dans le théâtre, c’est sa matière vivante. Un metteur en scène de son temps, n’a pas de pacte diabolique à saigner pour avoir une mise en scène charnelle. Si un classique trouve son sens sur le fond, il aura la couleur d’aujourd’hui ; sans que la patine du passé pose soucis. Car au théâtre l’habit ne fait pas toujours le moine, contrairement à ce que l’on dit. On a vu beaucoup de pièces contemporaines mal vieillir, alors que l’on joue encore Euripide. Comme on a vu des chefs-d’œuvre nous ennuyer par des relectures incohérentes. Alors, est-ce que le scooter vespa (Produit en 1947 en Italie) que l’on voit au début de l’acte 1 sur le plateau, nous donne une image de la nouveauté de ce Barbier ?

© Eric Legrand

La précaution a-t-elle donc été inutile ?

Laurent Hatat veut rendre possible la modernité de la pièce de Beaumarchais : « Celle d’une ambiguïté fort contemporaine, le double langage des puissants sous le masque du plaisir ; le jeu de dupe d’une promesse d’émancipation toujours réaffirmée et jamais tenue. Un monde où Figaro ne peut que redevenir domestique et où Rosine n’existe que comme épouse. Un monde pas si lointain… »

Certes ! Les caractères ont bien été mis en œuvre. La troupe est bien en chair. Mais ils l’auraient été de la même façon à la préhistoire ou chez les extra-terrestres. Beaumarchais lui-même ne disait-il pas dans une didascalie : « Les habits des acteurs doivent être dans l’ancien costume espagnol. » Ce qui veut dire qu’au XVIIIe siècle on jouait « Le Barbier de Séville » en costume. Alors ? Un verre plein classique ne vaut-il pas un verre à moitié vide revisité ?

La précaution inutile ou Le Barbier de Séville
De : Beaumarchais
Mise en scène : Laurent Hatat
Assistant à la mise en scène : Julien Gosselin
Conseil artistique : Laurent Caillon
Conseil dramaturgique : Jane Dziwinska
Scénographie : Antonin Bouvret
Lumières : Bernard Plançon
Costumes : Martha Romero
Maquillage : Nathalie Regior
Musiques : Frédéric Tentelier
Univers sonore : Martin Hennart
Images : Lucie Lahoute
Avec : Daniel Delabesse, Denis Eyriey, Azeddine Benamara, Victoria Quesnel, Mounya Boudiaf, Olivier Brabant, Julien Gosselin, Laurent Hatat

Du 11 au 13 mai 2011

Théâtre de la Commune – Centre Dramatique National d’Aubervilliers
2 rue Edouard Poisson, 93 304 Aubervilliers – Réservations 01 48 33 16 16
www.theatredelacommune.com

www.animamotrix.unblog.fr

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