Critique d’Evariste Lago –
Une histoire de Fall. De folles ?
La nuit d’Elliot Fall, conte féérique moderne, raconte l’histoire d’Elliot Fall, jeune croque-mort, orphelin, de la charmante ville de Moon Island. Tout débute par l’agonie de Mimi, la fille de la richissime Mme Von Leska, qui se meurt dans son lit et se transforme en fleur. Le médecin de famille, un gothique-blond-platine, déniche un « livre des ombres » lui apprenant que le baiser d’un jeune homme pourrait la sauver. Mais qui ? L’agonisante écrit sur son « cahier connasse » le nom de notre héros. La gouvernante, Préciosa, fée-marraine-travestie, est chargée de retrouver le sauveur. La bonne va donc se dévergonder dans les faubourgs de la ville, se faire agresser par un porc, un des trois petits cochons qui en veut à son anatomie, et être sauvée par le charmant croque-mort à l’uniforme d’écolier : chaussettes longues et culotte courte. Fantasme japonais homo ? Elle a trouvé son Elliot Fall, le road-movie déjanté peut commencer. Comme dans tout conte qui se respecte, le méchant, le comte Oswald Lovejoy, veille à ce que rien ne se passe facilement. Les figures des contes enfantins se succèdent et se dévoient : les trois petits cochons pervers, le chaperon rouge stripteaseur, la fée-nonne, le loup-travesti-tapineur, la famille ours-décomposée-non-recomposée-dépressive et la victime des chaussures Cendrillon. Puisqu’il paraît que les adultes ne savent plus s’émerveiller des contes, donnez-leur du sexe et du cabaret !
Une histoire de Fall. De chute ?
Le postulat de départ est simple : l’Homme moderne ne sait plus s’émerveiller. Le texte de Vincent Daenen et la mise en scène de Jean-Luc Revol, s’inspirent donc des contes de notre enfance, de l’univers de Tim Burton et de l’ambiance des cabarets pour hypnotiser le spectateur et le plonger dans l’admiration. Les costumes et les chants entrent pleinement dans cette recherche du merveilleux et de l’imaginaire. La finalité est donc d’extirper le spectateur de son quotidien pour le plonger dans un univers décalé et humoristique puisqu’il ne sait plus le faire seul. Le résultat est à la hauteur du but recherché. Les différents genres, de la comédie musicale mièvre, aux histoires de fées, en passant par les références à « grandeur et décadence de la ville de Mahagonny » de Brecht et Weill, forment un merveilleux mélange. Le mythe de la décadence de l’homme moderne est largement exploité comme fil conducteur de ce cabaret moderne. Mais à bien y réfléchir, en quoi l’Homme aurait-il chuté, perdu de son émerveillement ? Pourquoi serait-il tombé du piédestal des époques antérieures ? Il ne semble pas que l’Homme soit moins bon, moins ouvert ou moins préoccupé de son environnement qu’aux siècles précédents. L’histoire se répète, la chute recommence.
La Nuit d’Elliot Fall
De : Vincent Daenen, d’après une idée originale de Jean-Luc Revol
Mise en scène : Jean-Luc Revol, assisté de Laurent Courtin
Avec : Denis D’Arcangelo, Sinan Bertrand, Christinne Bonnard, Olivier Breitman, Flannan Obé et Sophie Tellier
Musique originale : Thierry Boulanger
Lumières : Bertrand Couderc
Scénographie : Sophie Jacob
Costumes : Aurore Popineau
Chorégraphie : Armelle Ferron
Son : Claudie Martin
Musiciens : Julien Amedro, Thierry Boulanger et Sébastien MesnilDu 03 novembre 2010 au 27 février 2011
Vingtième Théâtre
7 rue des plâtrières, 75020 Paris
www.vingtiemetheatre.com