Critiques // « La Noce » de Brecht, mise en scène Patrick Pineau à la MC93

« La Noce » de Brecht, mise en scène Patrick Pineau à la MC93

Jan 11, 2010 | Aucun commentaire sur « La Noce » de Brecht, mise en scène Patrick Pineau à la MC93

Critique de F. Fauvernier

La pureté innocente du mariage battue en Brecht

En 1919, au sortir de la grande boucherie que fut la première guerre mondiale où il fut mobilisé comme infirmier, Bertolt Brecht à l’âge de vingt-et-un an, écrivit La Noce . Cette pièce était destinée à l’idole de Brecht, Karl Valentin célèbre soliste, parodiste et mime dans les plus fameux cabarets de Munich de l’époque. Oeuvre en 1 acte le plus souvent jouée sous son second titre  plus politique La Noce chez les petits-bourgeois est à l’image de Karl Valentin, qui détruisait ses décors en même temps qu’il dynamitait les structures sociales.

C’est le déroulement d’un mariage chez des gens qui, pour citer Brel, « voudraient bien avoir l’air, mais n’ont pas l’air du tout ».

Un mariage burlesque où tout rate, où la bienséance et les apparences se noient dans l’alcool, révélant la noirceur des rapports humains que les sourires hypocrites n’arrivent plus à cacher…

Cette Noce qui devrait être l’un des moments les plus beaux de la vie, un moment d’harmonie amoureuse, voit son rythme peu à peu se désaccorder. Une noce ou les rapports entre les hommes se brisent aussi facilement que les meubles mal assemblés.
Une noce comme construite puis détruite à coup de marteaux.

Ça ne colle pas et le décor nous le rappelle sans cesse.

La Noce, charge explosive contre les conventions sociales, écrite il y a tout juste 90 ans, bénéficie ici d’une nouvelle traduction faite par Magali Rigaill, ce qui donne une nouvelle tonalité aux répliques courtes et percutantes du texte !

Patrick Pineau, le talentueux metteur en scène / Chef d’Orchestre de cette Noce, d’abord joyeuse, puis peu à peu funèbre, nous livre un spectacle tel un plan séquence en noir et blanc.
Sur scène, neuf comédiens dynamiques, aux échanges physiques, dans un décor sobre qui, au fur et à mesure de l’avancée de la pièce, jouera le premier rôle.
Ici, pas de sentiments, que du brut.
Le rouge des taches de vin, qui peu à peu, va consteller la table du banquet, comme des taches de sang giclant sous les répliques aiguisées.
Dans cette pièce, où tout peu à peu se brise, où les rapports humains s’écorchent, où les meubles se cassent car la colle est mauvaise, la célèbre formule de Jean Paul Sartre : « l’enfer c’est les autres » s’adapte idéalement.
La partition est d’autant plus agréable à voir et entendre que tous les comédiens sont  admirables. Il y a une qualité d’écoute et une complicité formidable sur cette scène de Bobigny.

Si comme l’écrivait Bertolt Brecht, « La provocation est une façon de remettre la réalité sur ses pieds. », alors c’est chose faite dans le bouquet final de cette éclatante noce.

La Noce
De : Bertolt Brecht
Traduction : Magali Rigaill
Mise en scène : Patrick Pineau
Avec : Nicolas Bonnefoy, Hervé Briaux, David Bursztein, Laurence Cordier, Anne Fischer, Aline Le Berre, Laurent Manzoni, Babacar N’Baye Fall, Sylvie Orcier, Annie Perret, Régis Royer
Collaboration artistique : Anne Soisson
Conseil dramaturgique : Magali Rigaill
Scénographie : Sylvie Orcier
Musique : Jean-Philippe François
Costumes : Charlotte Merlin, Sylvie Orcier
Lumières : Gérard Gillot
Accessoire : Renaud Léon
Coiffure : Jocelyne Milazzo
Régie générale : Florent Fouquet

Du Samedi 9 janvier au 2 février 2010
MC93
1 boulevard Lénine, 93 000 Bobigny – Salle Christian Bourgeois
www.mc93.com

Et en tournée du 4 au 13 février 2010
Théâtre des Célestins
Place des Célestins, 69 002 Lyon
www.celestins-lyon.org


Voir aussi :
La critique de Bruno Deslot à propos du livre La Noce

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